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SECTION I L’ENTREPRISE TRANSNATIONALE ÉCLATÉE PAR LE DROIT

B. Une organisation économique unifiée

79. Les entreprises transnationales peuvent choisir entre un modèle d’organisation pyramidale et un modèle d’organisation réticulaire. Cette dernière figure étant plus récente, elle méritera qu’on s’y attarde. Il est de prime abord tentant de vouloir réduire le premier aux groupes de sociétés et le second aux chaînes de contrats. Nous verrons pourtant qu’il n’en est rien, les entreprises transnationales pouvant utiliser l’un comme l’autre. Dans les deux cas, le capital et le contrat fournissent aux entreprises transnationales des techniques d’organisation permettant de choisir l’un ou l’autre de ces modèles qui confèrent à l’une ou à l’autre de ces organisations, une certaine unité. La décentralisation des activités des entreprises crée dans les deux cas une organisation marquée par l’influence de sociétés pivots sur des sociétés satellites. Ce phénomène de transformation de l’entreprise dans le contexte de mondialisation est constaté, décrit et analysé par des auteurs de diverses disciplines des sciences sociales. Ces différentes études font apparaître la construction de réseaux d’entreprises qui réorganisent les

172 P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, LGDJ, 7ème éd., 2002, p. 647.

173 M-C. CAILLET, Y. QUEINNEC, « Quels outils juridiques pour une régulation efficace des activités des sociétés transnationales ? », in I. DAUGAREILH (dir.) Responsabilité sociale de l'entreprise transnationale et globalisation de l'économie, Bruylant, 2010, p. 637.

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rapports entre sociétés. Associé au phénomène des groupes de sociétés, ce sont des entreprises à structure complexe qui apparaissent, appelées également par certains auteurs « entreprises-réseau »174, véritable « acteur collectif »175. Si le modèle pyramidal, représenté traditionnellement par les groupes de sociétés, favorise ainsi une apparente unité (1), les entreprises choisissent également aujourd’hui une organisation de type réticulaire, plus difficile à saisir du fait de la dispersion des centres de pouvoir et de décision qui la caractérise, mais qui ne reste pas moins marquée par une certaine unité (2). L’entreprise transnationale apparait alors dans toute sa complexité organisationnelle, sous une forme unifiée.

1) L’unité recherchée par le modèle pyramidal

80. La constitution de groupes de sociétés répond à un besoin de développement et de diversification des entreprises, nécessitant une certaine flexibilité financière et fonctionnelle, tout en conservant un contrôle sur ses membres. La détention, par une société, de parts sociales dans une ou plusieurs autres sociétés, répond à ce besoin. Cette opération permet la création « d’un ensemble constitué par plusieurs sociétés ayant chacune leur existence juridique propre, mais unies entre elles par des liens divers en vertu desquels l’une d’elles, dite société-mère, qui détient les autres sous sa dépendance, exerce un contrôle sur l’ensemble et fait prévaloir une unité de décision »176. Cette organisation peut se constituer par le haut, en créant une holding qui deviendra l’entité

« chef de file » du groupe, ou « par le bas » par la filialisation de départements177. Le droit des sociétés favorise ce type d’organisation qui peut se constituer par la création de sociétés nouvelles, par un apport d’actif, par la souscription à une augmentation de capital social en numéraire ou par l’achat d’actions ou de parts sociales. Ces divers outils juridiques favorisent l’éclatement structurel de l’entreprise, composée alors de diverses

174 En ce sens, voir P. VERGE, « Les instruments d’une recomposition du droit du travail : de l’entreprise-réseau au pluralisme juridique », Les Cahiers de droit, Vol. 52, n°2, juin 2011, p. 139.

175 Nous reprenons ici la terminologie employée par G. TEUBNER, dans Droit et réflexivité : L’auto-référence en droit et dans l’organisation, L.G.D.J., 1994.

176 Sociétés commerciales, Francis Lefèvre, Mémento pratique, 44ème éd., 2013, p.

1277.

177 Idem, p. 1289.

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sociétés appartenant toutes pourtant à la même organisation178. Ces entreprises naissent principalement d’opérations de croissance interne ou intra-groupe179. Il s’agit notamment de mouvements de concentration, organisés autour du capital. La création de la société par action a encouragé la concentration des capitaux et celle de l’autorité180, permettant le développement des premiers groupes industriels, dès la première moitié du XIXe siècle. La concentration de sociétés a permis la formation de vastes unités économiques dont l’utilité n’a pas échappé au secteur industriel ou à celui des matières premières qui ont été les premiers à utiliser cette forme d’organisation181, qui n’a cessé depuis lors de se généraliser et de s’universaliser182.

81. Selon C. CHAMPAUD, deux phénomènes doivent être distingués : les concentrations de type primaire, qui accroissent la taille de l’entreprise et donc la puissance économique et qui diminue le nombre d’entités via, par exemple, des opérations de fusion ou de succursalisme ; et les concentrations de type secondaire, qui se caractérisent par la création de filiales ou la prise de contrôle de sociétés, ce qui entraîne un maintien des entreprises originelles qui sont intégrées dans des ensembles plus vastes. Ce phénomène conduit à une multiplication des entités, toutes soumises à une direction unique. Ces deux types de concentration prennent la forme d’une intégration verticale, se caractérisant par une organisation hiérarchique du contrôle. La palette d’outils juridiques ainsi utilisés par les sociétés pour créer cette forme d’organisation entraîne une grande diversité dans l’architecture de ces groupes, souvent très complexes, mais surtout difficilement saisissables du fait de leur opacité, malgré l’obligation d’information à laquelle elles sont soumises lorsque la participation atteint un certain seuil183. Ce mouvement de concentration a été le point de départ d’une dissociation entre le droit et la réalité économique des entreprises, qui n’a depuis lors cessé de s’accroître. De manière générale, la structure de l’entreprise reste en effet

178 Sur la notion d’organisation, voir M. KOCHER, La notion de groupe en droit du travail, op. cit., p. 300 et s.

179 U. MAYRHOFER, Les rapprochements d’entreprises, une nouvelle logique stratégique ?, Peter Lang, coll. Presses Universitaires européennes, Berne, 2001, p. 79.

180 Voir sur cette question les développements de C. CHAMPAUD, Le pouvoir de concentration de la société par action, Sirey, 1962.

181 Idem, p.4-5.

182 Ibidem.

183 Articles L. 233-6 et s. du Code de commerce.

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éclatée184, car organisée économiquement comme un ensemble, mais divisée dans sa structure juridique, du fait de sa composition en plusieurs sociétés. Cet éparpillement de la structure de l’entreprise est d’autant plus complexe qu’il s’accompagne généralement d’un éclatement du pouvoir.

82. Les opérations de croissance externe, qui se sont surtout développées dès les années 1980185, sont issues d’un mouvement plus large de rapprochement d’entreprises.

Elles peuvent prendre la forme d’alliances coopératives ou de fusions-acquisitions186. En cas d’alliances, des sociétés décident de mettre en commun des ressources pour atteindre un objectif, tout en maintenant leur autonomie juridique. Ce type de relation est généralement limité dans le temps. Il peut concerner une mise en commun des savoir- faire dans la recherche, des accords de fabrication groupée, ou encore des services de communication en commun. La mise en œuvre de ces partenariats peut se faire par le contrat ou par le capital187. Le recours au contrat marque l’externalisation d’une partie des fonctions de l’entreprise pour se recentrer sur certains de ses métiers afin de créer de la valeur ajoutée. Ces opérations se traduisent par une déconcentration des tâches et peuvent entraîner une décentralisation du pouvoir. Ce transfert de tout ou partie d’une fonction ou d’un service conduit à une multiplication des contrats de sous-traitance.

L’alliance peut également se traduire par une relation sur le long terme, nécessitant une fusion ou une acquisition. Une société intègre alors la structure d’une autre société en vue d’un partage des ressources. L’opération de fusion « réalise une unité de structure, de patrimoine et de direction188 ». Elle peut prendre plusieurs formes. La fusion par création d’une société nouvelle permet par exemple de mettre en commun un patrimoine et d’être rémunéré sur les parts sociales de cette nouvelle société alors que la fusion absorption entraîne la dissolution d’une société dont la société absorbante récupère le capital et crée une communauté d’associés ou d’actionnaires au sein d’une seule société.

Dans les deux cas, cette méthode de rapprochement permet à l’entreprise de se réorganiser financièrement et stratégiquement pour s’adapter au marché. Mais le modèle

184 M. JEANTIN, « L’entreprise éclatée : intérêts d’une approche commercialiste du problème », Dr. ouvrier, 1981, p. 118 et s.

185 Pour une présentation de ce développement depuis les années 1980, voir idem, pp.

73-82.

186 Ibidem.

187 Idem, pp. 51-53.

188 M. KOCHER, La notion de groupe en droit du travail, op. cit., p. 39.

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pyramidal, illustré par le groupe, n’est plus aujourd’hui le seul emprunté par les entreprises, qui s’organisent également de manière réticulaire.

2) L’unité retrouvée dans le modèle réticulaire

83. Les différences de techniques et de modèles entre le réseau et le groupe ont très justement été démontrées189. La principale justification d’une nécessaire distinction s’explique avant tout par l’amalgame qui peut être fait entre d’une part le groupe, comme forme d’organisation hiérarchique et d’autre part le réseau, qui se limiterait à une somme de contrats. La réalité est bien plus complexe. Les transformations organisationnelles des entreprises ne se limitent pas aux réseaux contractuels mais concernent plus globalement les diverses formes d’organisation de l’entreprise, qu’il s’agisse des relations capitalistiques ou contractuelles, hiérarchiques ou réticulaires. Or, si l’on considère que le réseau se caractérise par « l’exercice d’un contrôle de ses membres soit par une société dominante, soit par plusieurs ou même par l’ensemble des membres collectivement »190, cette figure peut alors permettre de saisir la complexité organisationnelle de l’entreprises. Et c’est en ce sens qu’il faut comprendre les diverses études doctrinales portant sur le réseau, même si pour la simplicité de la démonstration, le recours à la figure au réseau peut parfois être mise en opposition par rapport au groupe. L’étude des diverses approches du réseau proposées par la doctrine prévient en réalité de toute approche dichotomique de ce genre. Bien au contraire, il en ressort une réalité bien plus complexe, mêlant plusieurs modèles d’organisation. Associé au phénomène des groupes de sociétés, c’est l’entreprise-réseau191 qui apparaît, véritable

« acteur collectif »192, que nous pouvons qualifier d’entreprise à structure complexe. De ce point de vue, le recours à la figure du réseau devrait permettre de présenter un modèle d’organisation des entreprises que le droit a encore du mal à cerner.

189 E. PESKINE, Réseau d'entreprises et droit du travail, op. cit., p. 145 et s. ou encore G. TEUBNER, « Nouvelles formes d'organisation et droit », op. cit.

190 G. TEUBNER, « Nouvelles formes d'organisation et droit », op. cit., p. 41.

191 En ce sens, voir P. VERGE, « Les instruments d’une recomposition du droit du travail : de l’entreprise-réseau au pluralisme juridique », Les Cahiers de droit, Vol. 52, n°2, juin 2011, p. 139.

192 Nous reprenons ici la terminologie employée par G. TEUBNER dans Droit et réflexivité : L’auto-référence en droit et dans l’organisation, L.G.D.J., 1994.

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84. C’est que l’organisation réticulaire modifie les points d’encrages juridiques traditionnels. La notion de contrôle, développée pour les groupes de sociétés, n’a plus d’utilité ; celle de « dépendance économique » fait en revanche son apparition, ainsi que celle d’ « influence ». Le contrat n’est plus gage d’autonomie, mais d’intégration dans un ensemble plus vaste. La temporalité est également modifiée: alors que le groupe de sociétés se constitue pour une certaine durée, le réseau peut exister pour le temps d’un projet. Le réseau est-il alors une nouvelle forme d’organisation en marge des groupes de sociétés et des chaînes de contrats ? Est-ce un modèle qui se limite à expliquer des relations contractuelles particulières ? Ou peut-il englober également des relations capitalistiques, ou, en d’autres termes, expliquer un schéma d’organisation au sein duquel se nouent parallèlement des relations capitalistiques et contractuelles ?

85. Selon G. TEUBNER, qui constate dès 1993 l’apparition de nouvelles formes d’organisations hybrides « à la frontières entre contrats et sociétés 193», certaines relations contractuelles laissent apparaître de véritables organisations que l’utilisation du contrat permet de dissimuler194. Ces organisations, identifiées comme des réseaux contractuels195, sont qualifiés par l’auteur de « bêtes qui constituent des quasi- sociétés196 », leur structure présentant les particularités d’un groupe d’entreprises, alors que les relations de dépendance qui les caractérisent trouvent leur origine dans le contrat.

Ces organisations hybrides forment bien un groupement, composé de sociétés juridiquement autonomes, liées entre elles par des contrats, mais « fédérées197 » par une entreprise dominante. Pour son étude, G. TEUBNER semble utiliser indifféremment les termes de « société » ou d’« entreprise ». Il distingue en revanche le groupe, du réseau contractuel. Le réseau n’est pas selon lui, une entité qui se superposerait aux groupes et aux réseaux contractuels pour les englober, mais bien une troisième forme d’organisation. Au contraire, A. SOBCZAK appréhende le réseau comme une figure juridique se superposant à celles existantes. Il considère que le réseau de sociétés peut être formé soit par un lien capitalistique, soit par un lien contractuel. S’il différencie tout de même ces deux types de relations par le fait que dans le premier cas, la société

193 Idem, p. 52.

194 Id., p. 51.

195 Id., p. 53.

196 Id., p. 52.

197Id., p. 53.

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« possède » les compétences nécessaires à son activité économique et que dans le second, elle les « mobilise », il considère tout de même qu’elles se rapprochent à plusieurs égards198. Dans les deux situations en effet, l’organisation se fonde sur la coopération et la coordination des activités. D’un côté, les groupes ont décentralisé leur organisation et de l’autre, les réseaux de sous-traitance ont renforcé leur organisation199. Cette analyse a le mérite d’englober sous une même forme, les groupes de sociétés et les réseaux contractuels, pour appréhender ces organisations hybrides dans toute leur complexité200.

86. De manière générale, la théorie du réseau d’entreprises permet de faire ressortir la réalité d’une forme d’organisation complexe de l’entreprise, laquelle n’est plus construite sur un modèle exclusif de rapport hiérarchique ni sur celui d’une totale indépendance des partenaires commerciaux. L’idée du réseau s’oppose ainsi à l’idée de hiérarchie rigide201. A un modèle de société organisée hiérarchiquement, au pouvoir de direction et de contrôle attribué à une personne ou à une entité déterminable, se substitue un modèle d’organisation en réseau, caractérisée par des relations d’interdépendance entre plusieurs entités et dépourvue d’un unique centre hiérarchique. Le pouvoir dans le

198 A. SOBCZAK, Réseaux de sociétés et codes de conduite, un nouveau modèle de régulation de travail pour les entreprises européennes, op. cit., p. 45 et s.

199 Idem, p. 46.

200 Ces différences de point de vue s’expliquent notamment pas les termes utilisés. G.

TEUBNER se concentre sur les réseaux contractuels et E. PESKINE sur les réseaux d’entreprises, en mettant l’accent surtout, sur les relations contractuelles. De son côté, A. SOBCZAK analyse les réseaux de sociétés. Dans tous les cas, le constat est le même : l’entreprise utilise les outils fournis tant par le droit des sociétés que par le droit des contrats, pour multiplier les entités qui travailleront toutes sur un même projet, sous la direction d’une société dominante, mais dont les responsabilités seront séquencées en autant d’entités membres de l’organisation, chacune étant juridiquement autonome. Des interdépendances sont ainsi crées entre les entreprises du réseau. Mais les branches du réseau, organisées autour du contrat, évoluent dans un environnement plus libre que celles organisées autour du capital. Si, comme le note un auteur, « on avait cru avec la loi du 24 juillet 1966 que le caractère impératif du droit des sociétés allait l’emporter sur la liberté contractuelle, et que le droit des sociétés serait un droit d’ordre public » (D.

VIDAL, Droit des sociétés, L.G.D.J., 5ème éd., 2006, p. 21), force est de constater que tel n’est pas le cas. Le contrat favorisant la construction de nouveaux modèles d’organisation de part la liberté qu’il procure, le droit des sociétés n’ayant toujours pas réussi à les réceptionner. La construction de ces organisations, appréhendées sous l’angle de l’entreprise-réseau, ne peut toutefois pas être réduite à des relations contractuelles.

201 E. PESKINE, Réseau d'entreprises et droit du travail, op. cit., p. 17.

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réseau est décentralisé, voir parfois déconcentré. Néanmoins, les relations de pouvoir et de contrôle qui se maintiennent entre les membres d’un même groupement justifient de préférer l’expression « entreprise-réseau », notamment lorsque c’est l’entreprise qui se transforme en s’organisant sous forme de réseau, et non ses relations contractuelles qui évoluent en organisation réticulaire. Cette image de l’entreprise-réseau semble en effet plus adaptée à certaines organisations au sein desquelles une société dominante se maintient, malgré la multiplication des pôles de pouvoirs202.

87. L’une des caractéristiques de ces organisations hybrides réside dans la détention du pouvoir de direction par une société dominante dans la mesure où cette dernière décide des grandes lignes stratégiques et organise, directement ou non, le réseau. Mais ce pouvoir de direction est dilué au sein des diverses sociétés membres du réseau. La société dominante définit les grandes lignes stratégiques et les sociétés pivots les mettent en œuvre. C’est cet « hydre à plusieurs têtes203 » ou cette organisation

« polycéphale 204», qui permet d’affirmer que ces organisations ne sont plus marquées exclusivement par un modèle hiérarchique vertical mais bien par un réseau organisé horizontalement, marqué par un polycentrisme205. Remarquons malgré tout que s’il est difficile de généraliser sous un seul modèle les multiples formes que peuvent revêtir ces organisations206, il semble tout autant peu réaliste de considérer que ces organisations ne sont plus gouvernées par une entité hiérarchique, au sens de « dominante »,

202 C’est d’ailleurs en ce sens que G. TEUBNER se demande s’il faut parler de réseaux entre acteurs corporatifs ou de réseaux comme acteurs corporatifs, l’un ne se substituant pas à l’autre, mais venant marquer l’émergence d’un nouveau modèle de groupement. G.

TEUBNER, Droit et réflexivité : L’auto-référence en droit et dans l’organisation, op.

cit., p. 268.

203 Idem. p. 267.

204 E. PESKINE, Réseau d'entreprises et droit du travail, op. cit, p. 159.

205 G. TEUBNER, Droit et réflexivité : L’auto-référence en droit et dans l’organisation, op. cit., p. 279.

206 Plusieurs études ont été faites en droit, sociologie, management ou économie sur les diverses formes que peuvent revêtir ces organisations. Voir en ce sens P. VERGE, « Les instruments d’une recomposition du droit du travail : de l’entreprise-réseau au pluralisme juridique », op. cit. ; F. MARIOTTI, Qui gouverne l’entreprise en réseau ?, Les presses de Sciences Po, 2005 ; C. VERCHER, F. PALPACUER, S. CHARREIRE PETIT, « Codes de conduite et systèmes d’alerte éthique : La RSE au sein des chaînes globales de valeur », Revue de la régulation [En ligne], n°9, 1er semestre 2011,

http://regulation.revues.org/index9259.html; M-M. LEITAO MARQUES, « Du commerce international aux échanges intra-groupes et entre membres d’associations de coopération. L’entreprise Poly-locale et les réseaux », RIDE, 2003, pp. 411-441.

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« influente ». Tout système décentralisé conserve un chef de file. A cet égard, G.

TEUBNER note que « la réalité économique de ces groupes recouvre généralement une organisation étroitement coordonnée, et hautement intégrée dans sa structure d’information de production, de distribution et de direction hiérarchique207 ». D’autres auteurs parlent quant à eux « d’autonomie contrôlée208 » pour caractériser par exemple, les relations de travail au sein de ces réseaux. Les relations de travail n’y seraient plus déterminées par la subordination mais par une certaine autonomie contrôlée. Dans tous les cas, le contrôle s’affirme au détriment d’une apparente relation de coopération entre cocontractants. Cette situation d’autonomie contrôlée caractérise ainsi les relations qui s’établissent entre les sociétés du réseau, et c’est bien ce qui les différencient d’une simple relation contractuelle. Au sein du réseau, le contrat sert alors de « vecteur209 » à l’organisation du pouvoir210.

88. Les contours de l’organisation complexe de ces entreprises se dessinent alors.

Alliant à la fois les critères du réseau mais également ceux du groupe, l’entreprise transnationale ne se caractérise pas nécessairement par une organisation durable. Un projet délimité dans le temps, mais alliant ce type d’organisation complexe, peut être qualifié d’entreprise. De plus, l’entreprise complexe se distingue de la notion de groupe de sociétés par ses frontières, qui sont plus flexibles et donc plus difficilement saisissables. Cette flexibilité la différencie également du simple réseau contractuel ou du groupe de sociétés. La structure du groupe de sociétés est issue de choix stratégiques, les frontières de l’entreprise étant alors choisies par la société-mère dans sa stratégie d’expansion. En revanche, si l’organisation de l’entreprise complexe est certainement déterminée par la société dominante, laquelle décide, à un moment donné, de se séparer de certaines de ses sociétés filiales pour externaliser ses activités, elle perd la maîtrise des frontières du réseau, en déléguant aux sociétés pivot, une partie de son pouvoir de

207 G. TEUBNER, « Nouvelles formes d'organisation et droit », op. cit., p. 55.

208 E. PESKINE, Réseau d'entreprises et droit du travail, op. cit., p. 160 ; M-L. MORIN,

« Sous-traitance et relations salariales, aspects de droit du travail », Travail et emploi, 1994, n° 60, p. 27 ; M-L. MORIN, « Le droit face aux nouvelles formes d’organisation des entreprises », Revue internationale du Travail, 2005, vol. 144, n°1, p. 10.

209 E. PESKINE, Réseau d'entreprises et droit du travail, op. cit., p. 163.

210 Comme le démontre E. PESKINE, deux types de relations contractuelles ressortent de ces réseaux : des contrats de collaborations qui prennent en compte ce pouvoir mais ne le consacrent pas, contre d’autres relations contractuelles fondées au contraire sur une relation de pouvoir, idem, p. 164 et s.