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La sanction d’un abus : l’exemple du droit des procédures collectives

SECTION I L’ENTREPRISE TRANSNATIONALE ÉCLATÉE PAR LE DROIT

B. La sanction d’un abus : l’exemple du droit des procédures collectives

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travail242 ». Sa finalité reste toutefois une limite à une possible généralisation des tempéraments qu’elle apporte au principe d’autonomie juridique des sociétés.

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d’étendre une procédure collective à une autre société en cas de confusion de patrimoine (1) ou de fictivité (2)245.

1) La confusion des patrimoines

100. La confusion des patrimoines comme cause autonome d’extension de procédure en redressement judiciaire implique que deux ou plusieurs sociétés se soient comportées comme si elles avaient un patrimoine commun. Si la confusion est constatée par le juge, elle permet de reconstituer le patrimoine de la société défaillante, appauvri artificiellement. Cette technique d’extension de la procédure en redressement vers la société in bonis, intéresse évidemment les créanciers des sociétés membres d’un groupe, bien que cette procédure n’ait pas été appliquée au départ pour les groupes. Elle y trouve en tout cas un terrain d’application particulièrement favorable étant donné les relations financières qui lient les sociétés d’un même groupe.

101. A la différence de la fictivité, leur existence juridique n’est donc pas remise en cause. En revanche, la séparation de leur patrimoine n’est que virtuelle246. Lorsque deux patrimoines sont tellement imbriqués qu’il devient impossible de les traiter séparément, alors une telle confusion se justifie en dehors de toute fictivité. Cette confusion peut également résulter de flux financier anormaux247. Il s’agit finalement de sanctionner l’atteinte portée à l’autonomie patrimoniale de la personne morale, alors même que leur autonomie juridique n’est pas remise en cause. La remettre en cause aurait pour effet de

245 La distinction entre ces deux techniques juridiques a fait l’objet de nombreux débats doctrinaux pour savoir s’il s’agissait de deux fondements différents ou similaires (voir J- J. DAIGRE, « société fictive », rép. Sociétés Dalloz, oct. 1999, p.5). Des auteurs ont même cherché à distinguer les conséquences qui devraient découler de chacune de ces deux techniques. (J-F. BARBIERI, « Confusion des patrimoines et fictivité des sociétés », Petites affiches, 25 oct. 1996, p. 9 et s.). En citant ces deux techniques comme cause d’extension d’une procédure collective, la loi a mis fin au débat, même si la confusion des patrimoines peut toujours être un indice de fictivité.

246 « Personnes morales ou physiques qui, tout en étant des sujets de droit autonomes et indépendants ayant des patrimoines distincts, les ont confondus », CA Paris, 3° ch. A, 17 déc. 1986 : Gaz. Pal. 1987, 1, p. 256.

247 « Sous ce terme de flux financiers étaient pris en compte des mouvements de fonds ou des engagements financiers sans aucune contrepartie ne trouvant pas leur origine dans les engagements réciproques des parties et résultant du détournement des ressources d'une entité vers l'autre. », B. GRELON, « La confusion des patrimoines au sein d'un groupe », Revue des sociétés, 2006, p. 281.

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nier l’existence juridique de l’une des sociétés ; or il deviendrait impossible de confondre deux patrimoines si une seule personne morale existe.

102. Pour établir une telle confusion, le juge doit identifier des transferts d’actifs et de passifs sans contrepartie, l’absence d’une activité indépendante, et un flux financier anormal entre les sociétés. C’est ce qu’il ressort d’un arrêt de la Cour de cassation de 1993248. Ainsi, l’existence de liens privilégiés entre deux sociétés, la présence de dirigeants communs, la centralisation de la gestion, l’interdépendance entre deux sociétés et l’imbrication d’intérêts communs ne sont pas des éléments suffisants qui permettent de caractériser la confusion de patrimoine249. En revanche, la présence de flux financiers anormaux250 est un critère déterminant. La Cour a néanmoins durci sa position dans l’affaire « Metaleurop » en 2005.

103. Dans cette affaire, elle a en effet considéré que la Cour d'appel de Douai n’avait pas caractérisé « les relations financières anormales constitutives d'une confusion des patrimoines de la société mère avec celui de sa filiale ». Ce n’est donc plus seulement les flux financiers anormaux qui doivent être démontrés, mais également leurs relations financières anormales. Comme le constate des auteurs, « en premier lieu, cette notion permet de caractériser une confusion des patrimoines là où il n'existe pas de flux financiers (notamment en cas de prêt de main-d’œuvre). En second lieu, et là est peut- être l'explication essentielle, le terme de relations financières peut aussi, à l'opposé, faciliter la justification des opérations entre sociétés, au sein d'un groupe notamment251 ». En retenant un tel critère, la Cour tire les conséquences de l’existence des groupes pour juger de la normalité ou non des relations financières intra-groupes.

L’appartenance à un groupe justifie dès lors des relations financières particulières, qui ne

248 Cass. com. 11 mai 1993, Bull. Joly 1993, 1050, note Ph. PETEL.

249 Voir C. HANNOUN, « Redressement et liquidation judiciaires - groupes de sociétés », JCL com., Fasc. 3190.

250 CA Versailles, 15 déc. 1994, Bull. Joly, 1995, p. 272, note Ph. PETEL.

251 Les auteurs ajoutent : « Le terme, en effet, est plus large et plus général que celui de flux financiers, qui renvoie nécessairement à une situation d'espèce et à des opérations particulières. Le terme de relations financières, au contraire, renvoie à l'idée d'une structure préétablie dans laquelle se déroulent et se développent des flux financiers.

Ainsi, l'existence d'une structure financière conforme à l'usage est de nature à justifier l'existence de flux financiers non réciproques qui, en l'absence de cette structure, auraient été jugés anormaux », B. GRELON, « La confusion des patrimoines au sein d'un groupe », op. cit.

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peuvent être sanctionnées que par leur anormalité. En d’autres termes, l’existence d’un groupe justifie, au regard de la Cour, une certaine indulgence à l’égard des relations financières entretenues entre les sociétés, qui seraient sanctionnées en présence de sociétés isolées. Un tel raisonnement n’est pas sans conséquence sur le principe d’autonomie patrimoniale des sociétés du groupe, puisque le degré au-delà duquel celui- ci doit être considéré comme altéré, augmente. Pour autant, c’est bien une appréciation in concreto qui est maintenue par le juge et donc une approche réaliste de l’autonomie.

2) La fictivité

104. La théorie de la fictivité a permis en droit des sociétés, d’aller au-delà des apparences créées par certaines sociétés qui n’ont en réalité aucune existence. Parfois confondue avec d’autres notions252, elle est notamment utile en matière de procédure collective, puisqu’elle permet d’étendre la procédure ouverte à l’encontre de la société fictive, aux personnes qui se dissimulent en réalité derrière elle253. Cette théorie de la fictivité est évidemment particulièrement utilisée en présence d’un groupe de sociétés, dont les relations peuvent être tellement imbriquées qu’une d’entre elles se révèle en réalité inexistante254. La constatation, par le juge, de la fictivité, aura pour conséquence de permettre l’extension d’une procédure collective d’une société vers une autre. Mais elle aura surtout pour effet de nier les séparations juridiques entre sociétés, dès lors que la société fictive est considérée comme inexistante.

105. La fictivité de la société peut toucher le contrat de société lui-même, ou l’un de ses éléments. L’absence d’affectio societatis est à ce titre un élément probant permettant de

252 Appliquée à une procédure collective, la notion de confusion des patrimoines est ainsi souvent confondue avec celle de fictivité.

253 Certains auteurs relèvent l’utilisation distincte qui est faite de la fictivité selon qu’il s’agit d’appliquer une seule procédure contre le maître d’affaire et la société fictive ou qu’une procédure, ouverte à l’encontre d’une société fictive, soit étendue au maître d’affaire ; voir en ce sens C. HANNOUN, « Redressement et liquidation judiciaires - groupes de sociétés », op. cit.,et surtout J-J. DAIGRE, « société fictive », op. cit., p. 12.

254 Le terme d’ « inexistence » est ici utilisé dans son sens commun. En effet, la reconnaissance de la fictivité n’a pas pour effet de rendre inexistante la société mise en cause, ce qui aurait un effet rétroactif dommageable pour les créanciers. La sanction de cette fictivité est donc la nullité, qui n’a pas d’effet rétroactif. Cette solution a été affirmée par un arrêt de la Cour de cassation de 1992. V. Cass. Com. 16 juin 1992, Bull.

Joly 1992.960, D. 1993.108, note COLLET, Dr. Sociétés 1992, n° 178, cité dans J-J.

DAIGRE, « société fictive », op. cit., p. 10.

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démontrer la fictivité de la société. Mais comme le souligne JJ. DAIGRE, la fictivité peut également tenir à un abus de la personnalité morale. Cet abus se révèle en cas d’atteinte au principe d’autonomie de la personnalité morale. Comme le précise l’auteur, l’atteinte portée au contrat de société apparaît à la constitution de la société alors que la seconde naît en cours de vie sociale255. C’est cette atteinte à l’autonomie qui retiendra plus particulièrement notre attention dans le cadre de cette étude256. Aujourd’hui visée mais non définie par la loi, elle laisse donc au juge le soin d’en délimiter les contours et le contenu.

106. A la différence de la confusion des patrimoines, l’atteinte portée à l’autonomie doit être totale. Une simple atteinte portée à l’un des éléments de cette autonomie ne pouvant remettre en cause l’existence même d’une société. En toute logique, la première question à se poser porte sur le contenu de l’autonomie : de quelle autonomie s’agit-il ? C’est bien l’autonomie juridique qui est ici remise en cause par la fictivité ; son existence juridique257. Pour autant, la preuve de l’absence d’autonomie réelle est un élément qui participe à démontrer l’absence d’existence réelle d’une société. C’est en tout cas ce qu’il ressort des indices retenus par les juges pour constater qu’une société est privée de toute autonomie juridique.

107. Ainsi, l’absence d’une activité économique réelle, qui aurait dû se caractériser par une activité autonome est de nature à entrainer la fictivité258. La réunion de plusieurs éléments est généralement nécessaire pour aboutir à une telle qualification, tels que la présence des mêmes dirigeants et des mêmes associés entre deux sociétés, l’identité des

255 J-J. DAIGRE, « société fictive », op. cit., p. 3.

256 Pour plus de détails sur ce que J-J. DAIGRE nomme la « fictivité juridique », c'est-à- dire l’absence d’élément constitutif du contrat de société, voir ibidem.

257 Pour être qualifiée de fictive, la société doit être privée totalement de son autonomie, au point que son existence même est remise en cause. Il s’agit finalement d’une application de la théorie de la simulation, qui constate qu’une société n’est pas réelle ; H.

PAERELS, Le dépassement de la personnalité morale. contribution à l'étude des atteintes à l’autonomie des personnes morales en droit privé et droit fiscal français, thèse, Université Lille 2, 2008, p. 80, note 319.

258 « (…) la cour d'appel a constaté que cette société n'avait pas d'activité économique réelle, l'acquisition d'un patrimoine immobilier n'étant pas de nature, à elle seule, à établir l'existence d'une activité autonome, et aucune exploitation effective de ces biens n'étant démontrée », Cass. Com., 21 nov. 1995, JCP, éd. E, 1996, II. 852, note J-J.

DAIGRE.

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locaux et de la clientèle etc.259 La confusion des patrimoines peut également être un critère de fictivité260. Sera ainsi considérée comme fictive une société « créée par une ou plusieurs personnes physiques ou morale avec leurs capitaux et le concours de comparses et que le patrimoine social est la propriété de cette ou de ces personnes qui l’exploitent sous le nom de la société de façade, de telle sorte qu’il n’existe en définitive qu’une seule et même personne morale261 ». En dehors des cas où une société est, selon une appréciation in abstracto, fictive, c'est-à-dire qu’elle n’exerce aucune activité262, le juge recourt à une appréciation in concreto du caractère fictif. On peut en effet noter que les juges fondent leurs décisions sur un faisceau d’indices, sans toujours caractériser expressément l’absence totale d’autonomie. Néanmoins, en reconnaissant la fictivité d’une personne morale, c’est en réalité une absence d’autonomie décisionnelle, d’autonomie patrimoniale263 ou de gestion, une absence d’autonomie comptable, d’autonomie dans la relation avec les salariés qui est en réalité reconnue.

259 Voir à et égard M. J-J. HYEST, Projet de loi de sauvegarde des entreprises, Rapport n° 335 (2004-2005), fait au nom de la commission des lois, 11 mai 2005; La Cour a par exemple retenue que l’identité d’actionnaires entre deux sociétés, de même que l’identité d’administrateurs, de représentants légaux, et de siège social, et que la filiale ait été constituée dans le seul but de dissocier différentes opérations d’exploitation, était une société fictive : Cass. Com. 28 nov. 1989, Bull. Joly. 1990.179 ; pour une présentation générale des critères, voir C. HANNOUN, « Redressement et liquidation judiciaires - groupes de sociétés », op. cit.

260 La question a pu se poser de savoir si la confusion des patrimoines était ou non devenue une source autonome d’extension de la faillite. Il semble qu’au vu des développements de la jurisprudence et de la doctrine, cette question ne fasse plus débat.

V. F. GISSEROT, « La confusion des patrimoines est-elle une source autonome d'extension de faillite ?, » RTD Com, 1979, p.48 ; J-F. BARBIERI, « Confusion des patrimoines et fictivité des sociétés », Petites affiches, 25 oct. 1996, p.9.

261 CA Paris, 3° ch. A, 17 déc. 1986 : Gaz. Pal. 1987, 1, p. 256, cité dans C.

HANNOUN, « Redressement et liquidation judiciaires - groupes de sociétés », op. cit., § 131.

262 Par exemple, absence de toute activité propre de la société, celle-ci jouant uniquement le rôle de personne morale interposée pour les besoins d’un montage juridique, CA Paris, 3° ch. C., 7 juill. 1995, JCP éd. E 1996, I, p. 117, n° 541, obs.

VIANDIER et CAUSSAIN.

263 Par exemple, une filiale créée dans l’unique but de supporter aux lieux et place de la société-mère, les risques de commercialisation d’un projet scientifique, à qui la société- mère apportait une assistance dépassant le degré d’organisation inhérent à tout groupe de sociétés, la maintenant sous sa dépendance et la privant de toute autonomie, CA Paris, 3°

ch., 28 sept. 1993, Pierre ès qual. c/ Pudet et autres, Bull. Joly 1994, p. 68.

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108. C’est en tout cas ce qu’a retenu la Cour d’appel de Douai dans la célèbre affaire

« Métaleurop », en considérant « qu’une société apparaît fictive lorsqu’elle est dépourvue de toute autonomie décisionnelle et notamment de la faculté de décider, dans le cadre des dispositions légales et statutaires, de sa liquidation ou de sa survie, cette faculté appartenant en fait au véritable maître d’affaires264 ». Il semble en outre qu’en l’espèce, la Cour ait pris en compte le groupe auquel appartenait la société mise en cause pour procéder à une appréciation in concreto, tout en relevant au préalable « que la création d’un groupe économique laisse subsister la personnalité juridique de chacune des sociétés le composant ». En procédant ainsi, le juge prend donc en compte « les spécificités de l’activité et de l’objet social » et identifie « les fonctions de l’entité ».

Raisonnant sur le terrain de la fictivité, la Cour se devait de rechercher les éléments permettant de déterminer la réalité ou non de cette société. Une appréciation in concreto lui permet au contraire de faire de l’appartenance au groupe, une excuse, un fait justifiant des éventuelles entorses au principe d’autonomie. Prenant acte de l’appartenance de la société à un groupe, les juges isolent la fonction de cette société au sein du groupe, et recherchent les éléments de sa fictivité à travers l’autonomie réelle qu’elle aurait du avoir. Les juges recherchent « si les besoins de financement externe de la filiale étaient compatibles avec le minimum d'indépendance nécessaire », car selon la Cour d’appel, « la mise en commun des moyens et la subordination à celui du groupe des intérêts des sociétés le composant ne doit pas dépasser le degré d'organisation inhérent à un tel ensemble économique, et que les sociétés contrôlées doivent conserver la maîtrise des fonctions essentielles à leur autonomie ». En d’autres termes, l’appartenance au groupe ne doit pas ôter toute son autonomie à une filiale, entendue comme la capacité de se gérer soi-même. Si celle-ci n’a pas été retenue en l’espèce, notamment parce qu’elle « conservait un patrimoine et une activité réelle265 », ce jugement n’en reste pas moins riche d’enseignements sur la place accordée au groupe dans l’appréciation de la perte d’autonomie d’une société membre266. Elle rappelle en

264 B. ROLLAND, « Considérations sur la fictivité d'une filiale dans le cadre d'une action en extension de procédure de redressement judiciaire », Petites affiches, 28 janvier 2005 n° 20, p. 13, note sous CA DOUAI, 2 oct. 2003, Procureur de la République c/ SA Metaleurop et autres.

265 CA Douai 2e ch. 1re sect., Me T. et autres c/ SA Metaleurop et autres, 16 déc. 2004, n° 03/02333.

266 Note B. ROLLAND sous CA DOUAI, 2 oct. 2003, Procureur de la République c/ SA Metaleurop et autres, Petites affiches, 28 janv. 2005, n° 20, p. 13.

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outre que les critères retenus pour l’appréciation de la perte d’autonomie varie d’un fondement à un autre. Elle laisse suggérer que si l’influence exercée sur ces décisions par les dirigeants de la société-mère pourraient permettre de fonder une action en responsabilité fondée sur une direction de fait ou une ingérence dans la gestion, elle ne permet pas en revanche de caractériser la fictivité. En l’espèce, la fictivité n’a pas été retenue, la fraude n’ayant pu être caractérisée267.

267 CA DOUAI, 16 déc. 2004, D. 2005, p. 216, obs. A. LIENHARD.

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CONCLUSION SECTION 1

109. L’entreprise s’est adaptée dans les années 1990 à un environnement de libéralisation des échanges, dans un contexte de mondialisation, qu’elle a par ailleurs largement participé à construire. Cette adaptation s’est faite grâce aux nombreuses transformations qu’elle a subies, et rendues possibles grâce aux outils juridiques mis à sa disposition. Alors que les théories économiques cherchent à optimiser son modèle d’organisation, le droit tente de suivre toutes ces transformations. Celles-ci ont pris deux directions : d’une part le développement de groupes de sociétés, liés par un lien capitalistique ; et d’autre part le développement de chaînes de contrats, illustré principalement par le recours à la sous-traitance. Ces deux phénomènes, en général étudiés isolément par les auteurs, répondent chacun de prime abord à des problématiques distinctes. Or, l’organisation de l’entreprise en réseau démontre un paradoxe identique à celui tiré des groupes de sociétés : celui d’un rapprochement économique entre sociétés et d’un éclatement juridique de leur structure globale. L’utilisation simultanée des techniques du groupe de sociétés et de chaînes de contrat rend d’autant plus difficile leur réception par le droit que celui-ci ne connaît que des catégories juridiques figées inappropriées à ces phénomènes. Le droit tente néanmoins d’élaborer des solutions afin de saisir l’organisation unifiée de ces entreprises. L’une d’elle revient à « lever le voile » de la personnalité juridique afin de révéler l’entreprise comme un ensemble intégré.

Mais les multiples formes que prennent aujourd’hui les entreprises rend souvent difficile l’application d’une telle solution. Surtout, une telle technique conduit à choisir entre l’unité ou le multiple, ce qui limite considérablement la prise en compte de l’entreprise dans sa complexité. De plus, les solutions ainsi trouvées ne s’appliquent que limitativement à certaines branches de droit voire même, à certaines situations. Enfin, certaines solutions visent avant tout à sanctionner un comportement, alors que l’organisation complexe des sociétés ne reflète pas nécessairement un abus. Si les techniques juridiques permettant de diversifier juridiquement l’entreprise ont été dans un premier temps saluées, il est peut-être temps que l’unité économique retrouve un « appui d’unité juridique ». Or, l’entreprise transnationale reste encore ignorée par le droit positif.

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SECTION II - L’ENTREPRISE TRANSNATIONALE