• Nenhum resultado encontrado

Le principe d’autonomie juridique comme critère de délimitation des frontières de l’entreprise interrogé par la notion de sphère d’influence

SECTION II L’ENTREPRISE TRANSNATIONALE REDÉFINIE DANS SES FRONTIERES

B. Le principe d’autonomie juridique comme critère de délimitation des frontières de l’entreprise interrogé par la notion de sphère d’influence

189. Le principe d’autonomie juridique permet notamment de déterminer les frontières et donc les responsabilités d’une société. Le maintien de ce principe comme critère principal de délimitation des frontières ne permet pourtant pas de prendre en compte les relations de pouvoir qui naissent de certaines relations d’affaires alors qu’elles façonnent la sphère d’influence d’une société. Etant d’origine extra juridique, la RSE a engendré des normes et des outils qui ne se limitent pas aux frontières juridiques délimitées par le principe d’autonomie juridique. La RSE incite au contraire les entreprises à regarder au- delà de ces frontières pour prendre en compte les effets réels liés à l’exercice de leur pouvoir sur leurs partenaires commerciaux. C’est cette idée qui se retrouve dans la notion de sphère d’influence, qui est apparue dans les textes portant sur la responsabilité

473 Parlement européen, Résolution sur la responsabilité sociale des entreprises:

comportement responsable et transparent des entreprises et croissance durable, 28 janvier 2013, 2012/2098 (INI), §8.

474 Idem, §22.

153

sociétale des entreprises, et plus spécialement celle des entreprises transnationales. A travers cette notion, les entreprises sont invitées à respecter un certain nombre de droits et de valeurs fondamentaux, mais surtout à les promouvoir auprès des autres sociétés sur lesquelles elles ont une influence. Le périmètre de ces engagements est plus ou moins précis selon les textes et varie dans son étendue. A travers cette notion est reconnue la capacité d’influence de certaines entreprises sur d’autres et surtout la volonté d’en tirer les conséquences en termes de responsabilité sociétale, indépendamment des séparations juridiques pouvant exister entre sociétés, qu’il s’agisse d’autonomie juridique ou d’indépendance contractuelle. C’est une reconnaissance de la réalité organisationnelle des entreprises qui renvoie directement aux adaptations législatives et jurisprudentielles du principe d’autonomie juridique évoquées précédemment475.

190. Si la notion de sphère d’influence rappelle les situations dans lesquelles le juge ou le législateur sont parfois amenés à dépasser le principe d’autonomie juridique, cette notion ne saurait pourtant à elle seule remettre en cause le principe d’autonomie juridique, sauf à démontrer que les exceptions à ce principe ne sont pas une remise en cause du principe d’autonome juridique. Or, pour expliquer les entorses du législateur ou du juge au principe d’autonomie juridique, les auteurs se penchent sur des raisons extérieures à ce principe, alors qu’en dissociant autonomie formelle et autonomie réelle, comme nous y invite la notion de sphère d’influence, une autre explication apparaît, démontrant par la même occasion que l’existence juridique des sociétés n’est nullement remise en cause lorsque l’autonomie réelle prévaut476. La notion de sphère d’influence pourrait ainsi être génératrice de nouvelles obligations pour les sociétés, sans que le principe d’autonomie juridique interprété de manière formelle, ne soit pour autant ignoré.

191. La multiplication des exceptions au principe d’autonomie juridique des personnes morales a interrogé nombre d’auteurs. Expliquer les raisons pour lesquelles le principe d’autonomie juridique est tantôt appliqué de manière stricte, tantôt ignoré ou mis de côté par le juge ou le législateur, c’est permettre de trouver une cohérence dans un droit des groupes devenu totalement éclaté, et des relations de sous-traitance qui sont souvent

475 Supra, chapitre 1, p. 61 et s.

476 Voir par exemple C. DEL CONT, Propriété économique, dépendance et responsabilité, Harmattan, coll. Logiques juridiques, 1998, p. 78.

154

ignorées. Les premières victimes d’une telle incohérence sont d’ailleurs les sociétés elles-mêmes, qui ne peuvent prévoir les limites au-delà desquelles leurs relations entretenues avec une autre société seront jugées trop étroites pour maintenir le principe d’autonomie.

192. L’un des auteurs ayant participé à la recherche d’une telle cohérence est C.

HANNOUN. Constatant que la jurisprudence a « accordé des conséquences juridiques déterminées à l’existence d’un groupe de sociétés 477», il a cherché à expliquer le paradoxe ainsi créé entre les notions de groupe et de société indépendante. Selon lui, reconnaître un groupe c’est admettre l’unité constituée par ses membres, alors que

« distinguer les sociétés en raison de leur autonomie, c’est les rendre étrangères les unes par rapport aux autres478 ». Reconnaître un groupe aurait surtout pour effet de « rendre inopposable la personnalité de la filiale (…), celle-ci ne pouvant opposer son autonomie juridique pour échapper à un engagement pris par la société-mère479 ». Ce constat a inévitablement interrogé la doctrine qui a proposé plusieurs fondements permettant de justifier ce paradoxe. En reprenant chacune des techniques juridiques supposées expliquer la prévalence du groupe sur la société indépendante, C. HANNOUN conclut que « globalement aucune théorie n’a de vocation explicative générale480 ». Ainsi, la théorie de l’apparence qui explique que des tiers aient été induits en erreur du fait d’une confusion des éléments matériels entre sociétés, ne permet pas d’expliquer toutes les décisions ayant reconnu les groupes, et ce d’autant que certaines décisions se sont contentées de relever la confusion des éléments matériels unissant des sociétés, sans qu’il y ait eu nécessairement une erreur des tiers481. De même, la théorie de la société créée de fait n’est pas satisfaisante car les notions d’apports et d’affectio societatis nécessaires à la reconnaissance d’une société, nécessitent une réelle imbrication entre sociétés. Or, le lien entre sociétés appartenant à un même groupe n’entraîne pas systématiquement d’intégration suffisamment forte pour permettre de considérer l’existence d’un affectio societatis. Partant de ce constat, C. HANNOUN explique que le paradoxe créé par les groupes – paradoxe tiré de la pluralité de sujets en un -, se justifie

477 C. HANNOUN, Le droit et les groupes de sociétés, L.G.D.J., coll. Thèses, 1991, p.

50.

478 Idem, p. 50, §74.

479 Id., p. 52.

480 Id., p. 52, §86.

481 Id., p. 58.

155

par la recherche des juges de trouver « la solution la plus appropriée au-delà des formes juridiques perçues comme des fictions qui n’ont pas de raison d’être en dehors de leur fonction482 ». Le juge doit ainsi rechercher l’équilibre entre l’application stricte du principe d’autonomie et la règle qui a vocation à s’appliquer. Le paradoxe du groupe en droit est donc de tirer les conséquences de leur unité, tout en maintenant les effets attachés à la personnalité juridique. Les solutions seraient motivées par la recherche d’un équilibre entre d’une part la promotion de l’intérêt du groupe, et d’autre part la protection d’intérêts catégoriels483. Selon la solution trouvée, sont ainsi protégés soit les intérêts externes au groupe, soit l’intérêt du groupe484. Le maintien ou l’éviction du principe d’autonomie dépendrait ainsi de la règle qui a vocation à s’appliquer. La théorie de la transparence permettrait ensuite de déterminer un critère de transparence des groupes de sociétés485. A l’instar des méthodes de conflits de lois appliquées en droit international privé, le juge serait amené à se pencher sur les objectifs poursuivis par les règles en présence pour évincer ou non le principe d’autonomie. C. HANNOUN déplace donc l’analyse du côté de la norme à appliquer et non plus du côté de la personne morale.

193. Pour autant, en évitant de se pencher sur les relations existantes entre sociétés et en se limitant à l’objet de la norme à appliquer, le risque est d’ignorer la réalité des relations de pouvoir et de justifier l’application d’une règle pour des raisons d’opportunité. En d’autres termes, la théorie de la gouvernementalité486 a bien une valeur explicative, mais ne permet pas de justifier que de nouvelles obligations soient fondées sur le pouvoir exercé au sein des relations entre sociétés, comme y invite au contraire la RSE. En faisant prévaloir l’existence des relations sur les structures juridiques et en ayant un objet limité à la RSE, la notion de sphère d’influence suggère en effet une évolution du droit en ce sens. Elle traduit une reconnaissance de l’absence d’autonomie réelle qui peut exister entre certaines sociétés, en commandant aux sociétés détentrices d’un pouvoir de l’exercer, en surveillant leurs relations d’affaires.

482 Id., p. 71.

483 Id., p. 37.

484 Id., p. 72.

485 Id., p. 151 et s.

486 Id.

156

194. La notion de sphère d’influence invite donc à dépasser le principe d’autonomie juridique en prenant en compte les relations d’influence, de dépendance et de contrôle qui se nouent entre sociétés. Une telle approche est de prime abord contraire au principe d’autonomie juridique. Aucune obligation légale ne peut en effet être fondée sur des relations de pouvoir qui s’établiraient entre personnes morales puisque celles-ci sont, par principe, autonomes. Elle n’est pourtant qu’une traduction de ce que l’on peut qualifier d’ « approche réelle » de ce principe, approche que l’on retrouve d’ores et déjà en droit positif lorsque le juge ou le législateur lèvent le « voile de la personnalité » par exemple, même si cette approche n’est pas formellement consacrée. En se penchant sur la notion d’autonomie, ce sont ainsi deux volets de l’autonomie juridique qui apparaissent, l’un n’excluant pas l’autre. Etudier le principe d’autonomie juridique selon cette distinction permet d’expliquer les raisons pour lesquelles la prise en compte des relations d’affaires à travers la notion sphère d’influence n’est pas un obstacle au principe d’autonomie juridique, la notion de sphère d’influence traduisant l’aspect réel de cette autonomie.

195. Pour ce faire, il faut partir de la notion « d’autonomie juridique ». Le problème est qu’elle est une notion floue qui n’est pas défini. Les approches formelles du principe d’autonomie juridique en font surtout un principe fictif. On comprend qu’il soit dépourvu d’éléments constitutifs et qu’aucune définition ne puisse être proposée. De quelle autonomie s’agit-il en effet ? Notons d’ailleurs que la notion d’ « autonomie juridique » est souvent confondue avec celle d’ « indépendance juridique ». Toutes deux semblent pourtant se limiter à l’existence juridique du patrimoine. Ne parle-t-ton pas indifféremment d’ « autonomie patrimoniale » ou d’ « indépendance patrimoniale » ? On enseigne à cet égard que le principe d’autonomie juridique de la personnalité morale permet de protéger le patrimoine en limitant les responsabilités aux apports487. Affirmer l’indépendance juridique ou l’autonomie juridique du patrimoine d’une personne morale c’est donc reconnaître que celui-ci est distinct des autres personnes morales avec lesquelles elle a une relation, ou des personnes physiques ayant constitué la personne morale. Le principe d’autonomie juridique est ici exprimé de manière formelle.

487 Sur cette question voir G. RIPERT, Aspects juridiques du capitalisme moderne, L.G.D.J, 2ème éd., 1992, 354 p.

157

196. Or, lorsque cette autonomie juridique est mise à l’écart par le législateur ou par le juge, c’est alors une approche réelle de l’autonomie qui est retenue, non plus limitée au patrimoine mais rattachée à la personnalité juridique. La recherche d’une justification aux « exceptions » du principe d’autonomie juridique révèle ainsi deux aspects au principe d’autonomie juridique. Une personnalité juridique est autonome dès lors qu’elle a la faculté de se donner sa propre loi, le pouvoir de se déterminer elle-même488. Le corollaire de cette autonomie se trouve dans l’existence d’un patrimoine propre, autonome. Mais l’effectivité de cette autonomie juridique implique surtout une autonomie de gestion, fiscale, économique, organisationnelle, financière. Pour cela, une société doit être en capacité de prendre un certains nombre de décisions en toute liberté, sans subordination, de manière autonome, sur son patrimoine. En réalité, ces décisions peuvent concerner le patrimoine, la gestion du personnel, les choix stratégiques etc. tout ce qui finalement lui permet de se régir. Appliqués aux sociétés, les éléments de cette autonomie ne sont pas définis clairement par la loi et semblent dépendre des circonstances de fait. Nous pouvons néanmoins avancer qu’au minimum, une société a une personnalité juridique autonome dès lors qu’elle dispose, en accord avec la loi, des moyens de régir, par ses propres lois, son fonctionnement, sa gestion, son organisation, son patrimoine. C’est d’ailleurs cette approche qui est par exemple privilégiée pour reconnaître l’existence d’une unité économique et sociale. Chaque société conserve sa personnalité juridique, à moins que, pour l’application des règles de représentations du personnel, ces mêmes sociétés soient appréhendées comme un même ensemble, ce qui sera le cas si une concentration des pouvoirs et une communauté des travailleurs

488 Tiré du grec autonomos, « l’autonomie » renvoie à la capacité de se régir par ses propres lois. Cela induit nécessairement la possibilité de jouir d’une certaine liberté d’action pour être capable de décider ou de faire par soi-même. « L’indépendance », souvent confondue avec l’ « autonomie », puise son origine du verbe dépendre, tiré du latin dependere, qui signifie « être suspendu ». D’où l’idée d’être rattaché à, lié, dépendre de. La dépendance signifie donc qu’une action ne peut être réalisée sans une intervention extérieure (de quelqu’un ou de quelque chose). A l’inverse, l’indépendance signifie que l’on peut réaliser la même action sans cette intervention extérieure.

L’autonomie se réfère donc à une capacité interne, propre à soi, alors que l’indépendance ne se comprend que par rapport à un élément extérieur à soi. Transposée à l’autonomie juridique et à l’indépendance juridique des sociétés, cette distinction ne se retrouve pas explicitement en droit. Surtout, tel qu’appliqué aujourd’hui, le principe général d’autonomie juridique des sociétés, entendu comme l’autonomie formelle, serait dépourvu de toute réelle autonomie.

158

existe489. Or, la concentration des pouvoirs exprime l’absence d’autonomie décisionnelle des sociétés soumises à ce pouvoir et la communauté de travailleur sous-entend une absence d’autonomie dans la gestion du personnel490.

197. Loin d’être réduite à l’existence d’un patrimoine, l’autonomie juridique est donc bien multiple. Elle recouvre plusieurs réalités, correspondantes aux diverses facettes de la personnalité juridique. Autonomie et indépendance juridique peuvent correspondre à l’indépendance financière, économique, décisionnelle, organisationnelle, ou encore fiscale de la société. L’autonomie et l’indépendance juridique sont donc deux caractéristiques de la personnalité juridique. Parler de « séparation juridique » ou de

« sociétés distinctes », c’est donc se limiter aux effets produits par l’application du principe d’autonomie sur le patrimoine selon une interprétation formelle de celui-ci. Si l’autonomie, interprétée formellement, permet à une personne morale d’exister juridiquement, d’avoir un patrimoine propre distinct de celui de ses membres, l’autonomie réelle traduit au contraire une autonomie de fait, attachée à la personnalité juridique. L’une n’exclut pas l’autre. Une personne morale peut exister juridiquement, mais ne pas être totalement autonome, à l’instar des personnes physiques dont la perte d’autonomie ne remet pas en cause leur existence juridique. Une telle distinction ne se retrouve pourtant pas dans la loi.

198. Une telle distinction n’est pertinente qu’en présence de plusieurs sociétés dont l’étroitesse des relations remet en cause leur autonomie ou leur indépendance. Lorsque le principe ne concerne qu’une seule société, une telle distinction n’a en effet pas lieu d’être. Ce n’est d’ailleurs qu’avec l’apparition des groupes de sociétés que des entorses au principe ont vu le jour. La formation d’une entreprise complexe, qu’elle soit sous forme de groupe ou de réseau, limite inévitablement l’autonomie réelle de chacune des

489 Il s’agit ici de deux des trois critères permettant la reconnaissance d’une UES. Voir supra, p. 62 et s.

490 Le juge retient en effet un faisceau d’indices pour déterminer l’existence d’une communauté de travailleurs ; Or, l’un de ces critères est par exemple l’application d’un même règlement intérieur aux salariés de différentes sociétés. Il semble évident qu’une société détenant un pouvoir de gestion autonome n’appliquerait pas le règlement intérieur d’une autre société.

159

sociétés la composant, de même que l’indépendance de leur personnalité juridique491, ce qui explique que ce principe ait évolué. Aussi, continuer d’affirmer que le principe général d’autonomie juridique se limite à son acception formelle, c’est enfermer le droit dans une approche archaïque et dépassée des sociétés. C’est aussi refuser les évolutions impulsées par le juge et le législateur pour adapter le droit des sociétés aux évolutions organisationnelles des entreprises, mais c’est surtout ignorer le sens des termes, puisque comme nous l’avons vu, l’autonomie juridique ne peut par essence, qu’être multiple, même si à une certaine époque, et dans certaines situations, celle-ci pouvait se limiter à son aspect patrimonial et donc formel. Il est de toute façon évident qu’en évoluant dans leur organisation au sein de groupes ou de réseaux, les divers attributs de la personnalité juridique des sociétés s’en trouvent affectés, et certains aspects de leur autonomie et de leur indépendance également par la même occasion. C’est cette réalité que prend en compte la notion de « sphère d’influence », laquelle traduit l’approche réelle du principe d’autonomie juridique, approche qui reste encore timide en droit positif, bien que retenue parfois par le juge ou le législateur.

199. Ainsi, lorsque le législateur est amené à intervenir en amont, pour organiser les relations entre sociétés d’un même groupement en remettant en cause une application stricte du principe d’autonomie juridique492 ; et que le juge est conduit à constater en aval, la négation de cette autonomie par les sociétés elles-mêmes, c’est bien la réalité des relations existantes entre sociétés qui est privilégiée par rapport à leur autonomie formelle, c'est-à-dire leur existence juridique, sans que celle-ci ne soit pour autant remise

491 Nous verrons dans le chapitre suivant que les limitations à cette autonomie et à cette indépendance ne sont sanctionnées que lorsqu’elles atteignent un certain degré en-deçà duquel le droit se contente de l’organiser.

492 La loi prévoit ainsi certains ajustements pour limiter les effets du principe d’autonomie juridique et tenir compte de la réalité des groupes de sociétés. Tel est par exemple le cas en droit du travail, la création du comité de groupe ayant permis de consacrer une extension de la communauté de travailleurs au-delà de la simple société.

Le droit des sociétés prévoit également la tenue de comptes consolidés, consacrant là aussi l’extension des frontières de l’entreprise au-delà de la simple société, puisque pèse sur la société-mère l’obligation de récolter et de transmettre des informations financières d’une autre société qu’elle contrôle. En créant le régime des sociétés-mères et celui de l’intégration fiscale, le droit fiscal prend également en compte la réalité des groupes de sociétés pour limiter les effets négatifs du principe d’autonomie juridique sur les obligations fiscales (Art. 145 du Code général des impôts, lequel permet de ne pas taxer les dividendes versés par la filiale à la société mère ; Art. 223 du Code général des impôts qui permet de limiter les risques de double imposition).

160

en cause. La notion de sphère d’influence n’est donc pas un obstacle au principe d’autonomie juridique mais au contraire la traduction d’une approche déjà consacrée par le droit. Elle va toutefois au-delà en reconnaissant, de manière expresse, l’existence de ces relations, là où une intervention du juge ou du législateur est en principe nécessaire pour passer outre une interprétation formelle du principe d’autonomie juridique. Comme nous venons de le démontrer, rien ne s’opposerait à ce que la loi consacre expressément une telle approche. Surtout, la notion de sphère d’influence, propre à la RSE, ne concerne que les domaines couverts par la RSE (il serait en effet peu cohérent d’inviter les entreprises à agir de manière responsable sans prendre en compte les effets induits par leurs activités et leurs décisions et donc leurs relations d’affaires). A l’instar du principe de gouvernementalité développé par C. HANNOUN, c’est donc l’objet même de la RSE qui fonde l’étendue des responsabilités au-delà des frontières formelles des sociétés et qui justifie de tirer les conséquences des relations qui se créent au travers des démarches de RSE, comme nous le verrons493.

§ 2 . Des frontières aux contours flexibles

200. De manière générale, la notion de sphère d’influence, en étendant les obligations des sociétés au-delà de leurs propres frontières, suggère un devoir d’exercer cette influence, c'est-à-dire un devoir d’action, sur les partenaires sur lesquels cette influence peut s’exercer. A travers cette notion, c’est la question de la responsabilité d’une entreprise fondée sur l’influence qu’elle peut exercer qui est soulevée. Deux situations sont visées par cette notion : une société peut d’une part influencer sans le savoir, la réalisation d’une violation par son partenaire. La RSE conduit alors à remédier à cette absence d’information en encourageant les entreprises à s’informer sur le respect, par leurs partenaires, de certaines normes. D’autre part, une société peut détenir certaines informations sur la manière dont son partenaire conduit ses activités, mais ne rien faire, et maintenir sa relation commerciale comme si de rien n’était. La RSE l’incite alors à agir en exerçant son influence sur son partenaire, voire même à rompre les relations

493 Voir Infra, Titre II, p. 166.