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Intention stratégique

No documento CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE (páginas 195-200)

ETUDE LONGITUDINALE DE L’ENTREPRISE ICS

2. RESULTATS

2.2. Intention stratégique

Partie 2 Chapitre I Section 2 : Etude longitudinale de l’entreprise ICS

stratégiques qui y étaient mentionnés étaient tout aussi ambitieux que dans les journaux internes : le groupe « poursuit l’évolution qui le transforme en une véritable force du marché internet, dont rien de freine l’élan » ; « notre but premier est toujours le même : procurer à nos clients une valeur supérieure en nous appuyant sur les stratégies commerciales grâce auxquelles nous avons pris la tête des bâtisseurs de l’internet haute performance »271. L’appel à une vision et à une mobilisation partagées y est systématique : « nous avons réalisé un énorme travail de fondation et nous entreprenons un angle droit vers un formidable futur… Il y a plein de place pour l’amélioration… Nous nous dirigeons indiscutablement vers la bonne direction… Aujourd’hui je peux vous dire que nous accélérons de l’avant et notre élan continuera au travers de votre volonté individuelle et collective de gagner… Nous avons pris un tournant décisif et nous avons besoin que tout le monde aille dans la même direction »272. En fait, par rapport aux journaux internes du groupe, les particularités de ces messages résident dans l’emploi d’un vocabulaire souvent très offensif (termes militaires) et dans la référence précise à des segments stratégiques, à des clients, et surtout à des concurrents.

• Un autre élément de la communication top-down des ambitions stratégiques de l’entreprise peut être observé dans les manuels qualité de la filiale ICS elle même. Même si nous consacrons ultérieurement des paragraphes spécifiques aux conceptions des dirigeants, aux représentations des salariés et aux pratiques de l’entreprise ICS relatives au management de la qualité, un détour par la “documentation qualité” de ICS est tout particulièrement intéressant pour rendre compte de l’évolution grandissante des ambitions de l’entreprise. Il s’agit principalement de noter qu’entre 1998 et 2000 l’entreprise passe d’objectifs généraux et permanents d’amélioration continue273 (cf. Annexe 16) à une ambition d’Excellence, à une

« vocation d’être la société la plus appréciée de son secteur industriel », tant par ses clients, employés, actionnaires et autres parties prenantes (cf. Annexe 17). Par ailleurs, entre ces deux années, le mode de communication de la documentation qualité (manuel qualité, procédures et enregistrements) passe d’une “version papier” (uniquement disponible auprès des responsables de services et de certains points bibliothèque) à une version électronique sur intranet (des points bibliothèque sont maintenus), les messages véhiculés devenant alors davantage partagés.

271 Extraits d’un e-mail du 1er mai 2000 du Président Directeur Général du groupe.

272 Extraits d’un e-mail du 5 mai 2000 du Président Directeur Général du Département “Solutions pour entreprises” du groupe.

273 Il faut noter que, dès l’obtention de la certification ISO 9002 en 1995, l’entreprise avait déjà intégré, en terme d’objectif, le principe d’amélioration continue du TQM et de l’édition 2000 d’ISO 9001.

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• En terme d’observations directes, de nombreux éléments ont indiqué qu’une ambition permanente de compétitivités rythmait les préoccupations et les actions individuelles des acteurs au cours de leurs activités : du directeur général (cf. verbatim 2 de l’Annexe 18a) aux commerciaux et techniciens qui nous ont fréquemment exprimé lors de discussions leur inquiétude quant aux capacités globales de l’entreprise à répondre aux menaces concurrentielles. Lors de presque chaque réunion formelle périodique (réunions commerciales et techniques au siège de Toulouse ou réunions d’agence), les participants, qu’ils fassent partie de l’encadrement ou non, faisaient très souvent allusion au positionnement concurrentiel présent et futur de l’entreprise. La “voix du client” très présente chez ICS compte tenu de ses activités (vente et installation de matériels en clientèle), l’historique de compétitivité de la société (forte expansion géographique dès sa création, ancienneté de la plupart des salariés), le faisceau de communications top-down de la stratégie du groupe, sont en fin de compte autant d’éléments qui ont contribué à la réelle existence d’une « ambition permanente de compétitivités, partagée par les membres de l’organisation ». Par ailleurs, le décalage, fréquemment exprimé par les acteurs, entre les ressources réelles de ICS (principalement concernant les compétences : cf. § 2.4 ci-après) et les ressources nécessaires aux ambitions stratégiques du groupe, permet ainsi de considérer la présence au sein de l’entreprise d’une intention stratégique au sens de MATHE et CHAGUE (1999 : p.40).

La notion de leadership visionnaire, introduite par Deming274, est définie comme

« l’aptitude des managers à établir, pratiquer et conduire une vision à long terme pour l’organisation, induite par les exigences changeantes du client, en opposition à leur rôle interne de contrôle managérial ». Si cette notion de leadership visionnaire semble, a priori, se rapprocher de celle d’intention stratégique (principalement au travers du terme

“visionnaire”), l’analyse des travaux de Deming par ANDERSON et alii (1994) couplée aux observations menées chez ICS nous conduisent à penser que d’importantes nuances existent entre ces deux notions et que, si ICS dispose d’une intention stratégique, elle ne présente pas toutes les caractéristiques d’un leadership visionnaire :

• La composante “visionnaire” du concept de Deming correspond à la définition et à la communication(parladirection)d’unevisiondel’organisationqui«combine une vue réaliste, crédible, attirante de l’avenir et une situation future meilleure que celle du présent» 275.

274 Cf. le modèle de Deming : Partie 1, Chapitre II, Section 2, § 2 « Le paradigme fonctionnaliste du TQM ».

275 ANDERSON et alii (1994 : p.482) reprennent ici les propos de BENNIS et NANUS (1985) relatifs à l’importance de l’existence d’une vision chez les dirigeants.

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Cette vision encourage la poursuite du changement par convergence et réorientation, ce que ANDERSON et alii (1994 : p.482) rapprochent du concept d’amélioration continue. Or, comme nous l’avons précisé précédemment, à partir de l’année 2000, les objectifs d’amélioration continue formulés les années précédentes par ICS ont clairement évolué vers une vision ambitieuse d’excellence, certainement moins réaliste.

• Selon Deming la parfaite connaissance du marché par la direction est un pré-requis essentiel à la mise en œuvre effective d’un leadership visionnaire. Bien que cette condition soit difficilement évaluable, car relative et subjective, plusieurs éléments d’observation nous permettent de penser que c’est effectivement le cas chez ICS : ancienneté des membres du comité de direction dans le secteur d’activité ; animations et interventions du directeur général dans les réunions commerciales et surtout la nature et le contenu de ses interactions avec les commerciaux (eux mêmes fréquemment en contact avec les clients) ; fonction de directeur du département ventes et marketing assurée par le directeur général lui même. Cependant, selon ANDERSON et alii (1994 : p.482), la notion de leadership visionnaire de Deming n’a que peu de congruence avec les théories du leadership qui considèrent que c’est « une série de traits physiques, mentaux et de la personnalité qui caractérisent et distinguent les leaders des suiveurs » (on fait référence ici au charisme du directeur général). Ainsi, si le directeur général a une très bonne connaissance du marché qu’il communique et fait partager grâce à son charisme, cela sert l’intention stratégique de l’organisation, mais cela est insuffisant pour la création d’un leadership visionnaire. En effet, celui-ci fait davantage référence à la mise en œuvre réelle de pratiques managériales appropriées, comme le suggèrent ANDERSON et alii (1994 : p.480) lorsqu’ils définissent plus précisément le concept : « cela s’illustre par une clarté de la vision, une orientation à longue portée, un style de direction entraîneur, un changement participatif, une responsabilisation des salariés, une planification et une mise en œuvre du changement organisationnel ». En ce sens, le concept de leadership visionnaire semble disposer d’une dimension plus organisationnelle que communicationnelle. Ceci nous paraît être l’inverse dans le cas du concept d’intention stratégique. En effet, HAMEL et PRAHALAD (1993 : p.65) décrivent de la manière suivante le processus actif de management que sous-tend l’intention stratégique : « focaliser l’attention de l’organisation sur la victoire ; motiver les salariés en communiquant sur l’importance des objectifs ; soutenir l’enthousiasme en définissant de nouveaux objectifs opérationnels au fur et à mesure que les circonstances changent ; faire place aux contributions individuelles et collectives et utiliser l’intention pour guider l’allocation des ressources ». En fait, en précisant que le concept de leadership visionnaire est à rapprocher des styles de leadership consultatif et démocratique de

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LIKERT (1974), ANDERSON et alii (1994) nous amènent à penser que la persistance d’un certain management “familial” et même paternaliste au sein de ICS ne crée pas les conditions optimales d’une mise en œuvre effective d’un leadership visionnaire. En effet, plusieurs observations directes nous ont permis d’identifier chez ICS des propos, des comportements et des pratiques caractéristiques du style paternaliste : des discussions avec les nombreux salariés d’ICS ayant plus de vingt d’années d’ancienneté indiquent l’utilisation encore actuelle de menaces et de récompenses comme moyen d’incitation (principalement axées sur l’accès aux informations, la participation aux réunions, la liberté d’action) ; les observations participantes lors des différentes réunions soulignent une décentralisation décisionnelle limitée, y compris pour des décisions mineures ; plusieurs observations simples276 d’interactions hiérarchiques traduisent d’une recherche très “visible” par les salariés d’appréciations positives émanant de leur hiérarchie ; le directeur des opération et de la qualité lui même emploie le terme paternaliste pour qualifier « la façon de communiquer » prédominante avant la fusion en avril 1998 avec le groupe nord-américain (cf. verbatim 4 de l’Annexe 18d).

En conclusion de ce paragraphe, il est possible de dire que si l’entreprise ICS fait bien état d’une réelle intention stratégique, la persistance d’un leadership paternaliste constitue un véritable frein à l’émergence d’un leadership visionnaire. Ce paragraphe, qui avait pour ancrage initial l’analyse des ambitions que les dirigeants d’ICS ont pour l’entreprise, nous a en fait conduit à identifier un net décalage entre ces ambitions (pourtant partagées par les membres de l’organisation) et les pratiques managériales (dans leurs dimensions humaine et organisationnelle) réellement mises en œuvre. En rappelant qu’il est souvent admis que le concept d’intention stratégique peut conduire à des effets néfastes au sein de l’organisation (découragements, inquiétudes des salariés), on perçoit clairement en quoi ce décalage entre les ambitions et le contexte managérial de ICS limite les possibilités pour l’entreprise de mettre en œuvre le TQM. Rappelons d’ailleurs que selon le modèle de Deming, c’est le leadership visionnaire qui constitue le “moteur” du TQM en entraînant “dans un premier temps” « la création d’une organisation qui encourage la coopération et l’apprentissage »277. Au travers de la rubrique suivante, il s’agit donc d’examiner de manière plus détaillée la situation de l’entreprise ICS en matière de responsabilisation des salariés, de management participatif et d’apprentissage organisationnel.

276 Aucune intervention de notre part, prise de distance importante par rapport aux faits observés.

277 Cf. le modèle de Deming : Partie 1, Chapitre II, Section 2, § 2 « Le paradigme fonctionnaliste du TQM ».

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