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Les dilemmes de la certification ISO 9001

No documento CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE (páginas 135-142)

PROBLEMATIQUE

1. L’ENTREPRISE CONFRONTÉE A DES DILEMMES

1.1. Les dilemmes de la certification ISO 9001

Notre revue de la littérature relative à la normalisation et à la certification (Chapitre II, Section 1), et plus particulièrement les travaux menés sur les atouts et risques d’une certification ISO 9001, permettent d’identifier trois principaux dilemmes managériaux auxquels sont confrontées les organisations, en cours et/ou à l’issue d’une telle démarche. Les articles sur le sujet expriment, chacun, un ou plusieurs de ces trois dilemmes, très souvent au travers de prises de position successivement “optimistes” (les atouts) puis “pessimistes” (les risques). Dans la plupart des cas, les auteurs concluent leurs analyses par des recommandations de mise en œuvre permettant de limiter les risques d’une certification tout en en conservant les atouts.

Dilemme 1 : le dilemme besoins des clients / exigences spécifiées

Peu d’articles relatifs à la norme ISO 9001 font état de ce dilemme qui pourtant, comme nous l’avons mentionné précédemment, est inévitable lors de l’interprétation de la norme dans un contexte bilatéral client/fournisseur ou dans celui d’une certification par tierce partie195. En effet, beaucoup d’auteurs focalisent leurs analyses sur les dilemmes inhérents au contenu de la norme ISO 9001 et à sa “traduction” en documents et en actes au sein de l’organisation ; mais peu d’entre eux aborde précisément le problème de l’utilisation même de la norme dans un cadre contractuel qui lie l’organisation à ses clients. Par exemple, lorsque Lionel Berny et Olivier Peyrat, qui exercent des responsabilités au sein de l’AFAQ, indiquent dans un article paru dans la Revue Française de Gestion qu’ « il ne faut pas confondre l’outil

195 Il faut noter que l’édition 2000 est aussi conçue pour une utilisation potentielle en auto-évaluation.

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ISO 9000 et ce qu’arrivent à en faire, ou pas, ceux qui l’utilisent » (BERNY et PEYRAT, 1995 : p.100), ils exhortent les entreprises à principalement résoudre les dilemmes liés à l’interprétation de la norme, mais semblent mettre de coté le dilemme directement issu de son utilisation contractualisée. Dans les éditions 1987 et 1994, les dispositions spécifiées et par conséquent le processus de certification correspondant ne prennent pas explicitement en compte le niveau de satisfaction de la clientèle : aucun “recoupement” entre les besoins réels (exprimés et/ou implicites) des clients et les exigences spécifiées (qui elles seules font l’objet de la norme) n’est en effet réellement spécifié. La section 1 a montré combien les évolutions de l’édition 2000 contribuent finalement à favoriser ce bouclage (Figure 4 page 91), et c’est bien parce que les normalisateurs sont conscients de l’existence de ce dilemme que cette amélioration a été apportée. Néanmoins, notre sentiment est que les répercussions de ce dilemme sont le plus souvent sous-estimées, autant au sein des articles et ouvrages sur l’ISO 9000 qu’au sein des entreprises. D’ailleurs, en rappelant « que la qualité est la satisfaction des besoins exprimés ou implicites du client »196, Berny et Peyrat précisent que

« l’objet direct des ISO 9000 n’est pas de garantir tel ou tel niveau de performance des produits, mais de démontrer aux clients que leur fournisseur a défini et applique une organisation qui lui permet de comprendre et de satisfaire leurs exigences, le tout dans une optique de progrès permanent » (BERNY et PEYRAT, 1995 : p.100)197. Or un des enjeux et une des difficultés majeures pour l’entreprise se situe justement lors de la transcription des besoins exprimés ou implicites du client en exigences.

Au sein du même numéro de la Revue Française de Gestion, MIGNOT et PENAN (1995 : pp.76-95) clarifient la problématique de la spécification contractuelle à laquelle les entreprises sont confrontées (Figure 11) et mettent en évidence l’existence d’un réel risque normatif. En mettant de coté le cas où les besoins du client ne sont ni couverts par les exigences spécifiées ni par la réalisation (cas n°1), ainsi que la situation caricaturale caractérisée par une fourniture qui ne répondrait à aucun besoin et à laquelle ne serait associée aucune exigence spécifiée (cas n°5), le risque normatif peut être ramené à deux cas de figure :

- La sous-spécification lorsque l’expression des besoins des clients n’est pas ou est imparfaitement traduite en exigences normatives (cas n°2).

- La sur-spécification qui entraîne une réalisation d’un niveau de qualité supérieur aux besoins réels du client (cas n°4) ou qui, dans une moindre mesure, favorise la pratique d’un

196 Il s’agit d’ailleurs de la définition donnée dans l’ISO 8402 : 1994 (cf. §2.1 de la section 1 « La série des normes ISO 9000 »).

197 Ce qui en fait transparaît davantage dans l’édition 2000.

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double langage entre chacune des parties, celles-ci acceptant contractuellement des références normatives, tout en sachant qu’elles ne seront ni mobilisées, ni associées à la réalisation de la fourniture (cas n°3).

Exigences spécifiées

1

Besoins hors couverture contractuelle

Spécification correcte Défaut de fourniture

7 Qualité Maîtrisée

Sous- spécification

5 Situation aberrante 3

Sur-spécification

Double langage 4 Sur- spécification

6 2

Besoins existants

Réalisation

Figure11:Laproblématiquedelaspécificationcontractuelle(MIGNOTetPENAN,1995:p.80)

En fait, dans le cas de la norme ISO 9001, le risque normatif nous paraît doublement problématique. En effet, les cas de sur-spécification et ceux de sous-spécification peuvent exister à deux niveaux :

- Au niveau des caractéristiques et fonctionnalités du produit/service fourni au client ; - Mais aussi au niveau des dispositions de fonctionnement interne prises par l’organisation dans le cadre du respect de la norme.

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Dilemme 2 : le dilemme procédures standardisées / autonomie des acteurs

Ce dilemme est de loin celui qui est le plus fréquemment abordé dans la littérature relative à la certification ISO 9001. Dans l’ensemble des articles que nous avons consulté sur le sujet, les auteurs reconnaissent que d’une part, l’existence et le respect de règles écrites et d’autre part, l’autonomie des acteurs sont tous deux indispensables à une mise en œuvre efficace de la qualité au sein de l’organisation. En effet, puisant leur légitimité dans la nécessité pour l’entreprise de “produire” des résultats à la fois fiabilisés et conformes aux exigences des clients, les procédures standardisées sont néanmoins, et de façon inévitable, caractérisées par leur potentielle inefficacité dans l’atteinte de cet objectif198. Le sociologue Gilbert De Terssac identifie quatre caractéristiques de ces règles formelles qui nécessitent pour leur propre efficacité que l’autonomie des acteurs soit parallèlement favorisée, au travers d’un certain esprit critique et/ou d’initiatives (DE TERSSAC, 1996 : p.198) :

- Elles comportent de l’incomplétude : tous les cas de figure ne peuvent être prévus ; - Elles comportent de l’incohérence potentielle : les conditions de déroulement de la tâche ne sont pas toujours celle prévues par la procédure ;

- Elles comportent de l’implicite : certaines tâches ne font l’objet d’aucune spécification, soit que l’on n’a pas su, pas voulu ou pu les définir ;

- Elles se fondent sur un modèle des caractéristiques et du fonctionnement des acteurs qui est loin de correspondre à la réalité : les acteurs sont supposés stables, interchangeables, capables de faire face à toutes les situations (surtout celles non prévues dans la procédure), toujours disponibles et toujours disposés à coopérer.

Par conséquent, un problème concret se pose aux entreprises engagées dans une démarche de certification ISO 9001 ainsi qu’à celles déjà certifiées : comment concilier l’autonomie des acteurs nécessaire à l’efficacité des procédures écrites avec la formalisation documentaire exigée par la norme ? Soulever ce dilemme nécessite tout d’abord, comme dans le cas du dilemme précédent, de distinguer l’édition 2000 de la norme de ses éditions précédentes (1987 et 1994). Christian Doucet rappelle ainsi que dans les éditions de 1987 et 1994, le système qualité d’une organisation a été fortement assimilé à son système documentaire, de telle sorte que les certifications correspondantes ont donné lieu à une sorte de déviation collective dont une fameuse maxime constituait le postulat de base : “écrire ce

198 Au caractère inefficace de la règle écrite peut parfois s’adjoindre un caractère inopérable, voire néfaste.

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qu’on va faire, faire ce qu’on a écrit, écrire ce qu’on a fait” (DOUCET, 1999 : p.46). Selon l’auteur, une des conséquences « a été d’introduire dans les entreprises une grande ambiguïté entre qualité et “papier”. Pour beaucoup aujourd’hui, la qualité est encore synonyme de procédures. Il y a même pas mal d’entreprises où il est devenu malsain de prononcer le mot qualité ». La diminution du nombre de procédures exigées dans l’édition 2000 d’ISO 9001 (plus que 6 au lieu de 20) et l’augmentation des exigences en matière d’enregistrement montrent combien les normalisateurs ont été et sont conscients des dérives bureaucratiques souvent observées, au détriment de l’efficacité même du système qualité. Il faut cependant noter, “à décharge des normalisateurs”, que dès l’édition de 1994, le paragraphe 4.2.2 Procédures du système qualité indiquait : « l’étendue et le niveau de détail des procédures qui font partie du système qualité doivent dépendre de la complexité des tâches, des méthodes utilisées, des compétences et de la formation nécessaires au personnel impliqué dans l’exécution de ces tâches ».

L’extrait précédent permet à lui seul d’argumenter les nombreuses conceptions de la norme qui considèrent que son contenu intrinsèque n’impose pas une bureaucratisation de l’organisation. En effet, selon plusieurs auteurs, c’est en fait l’interprétation “à la lettre” du référentiel qui conduit à une telle situation, trop peu de place étant alors laissée au professionnalisme, aux capacités et aux possibilités d’adaptation et d’autonomie des acteurs199. Il est ainsi conseillé de faire pleinement appel à la flexibilité du texte normatif (DOMENC, 1996 : p.80) et « de se servir des procédures et non de les servir », celles-ci devenant ainsi « un point de repère pour l’exercice de l’autonomie de chacun » (ALLAFORT, 1996 : p.74). A partir d’extraits de la norme, DU ROY (1996 : p.61) montre comment une autre lecture de la norme peut être faite, bien différente alors de son interprétation procédurière. Quant à BERNY et PEYRAT (1995 : p.100), ils citent l’exemple de Rhône Poulenc Rorer qui est « passé en quelques années d’un manuel qualité ISO 9002 de deux cent pages à un manuel ISO 9001 de cinquante pages ». Finalement, tous ces auteurs s’accordent à dire qu’une adéquation entre le référentiel et l’autonomie des acteurs est “techniquement”

toujours réalisable. D’ailleurs, plusieurs articles parus dans des revues professionnelles relatives à la qualité préconisent bonnes pratiques et méthodes permettant de s’émanciper d’une démarche de certification formaliste « qui rigidifie l’entreprise et démotive le personnel » : par exemple, Guide de mise en place des procédures (BALLERY, 1999 : pp.55-

199 Pour ces auteurs, une interprétation “à la lettre” signifie que l’entreprise traduit chaque moindre recommandation de la norme en procédure documentée et en enregistrements.

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58) ; ou comparatifs entre méthode normative et méthode fonctionnelle200 (DOUCET, 1998 : pp.41-46 ; DOUCET, 2000 : pp.73-86). Sans rentrer dans les détails techniques de telles préconisations, l’étude monographique de l’entreprise partenaire de nos travaux nous a permis de constater que c’est justement la recherche d’une adéquation optimale entre les exigences du référentiel ISO 9002 et l’autonomie des acteurs qui a conduit à la constitution d’un système documentaire ne comportant que 10 procédures, sans instructions ou modes opératoires complémentaires. Une structure transversale pour chacune de ces procédures est alors apparue comme un choix pertinent pour susciter la prise d’initiatives par les acteurs dans un cadre qui dépasse celui de leurs fonctions spécifiquement attribuées. Cette adéquation optimale a été possible malgré une relativement faible participation des acteurs dans la conception des procédures : sollicitation des intéressés pour la relecture principalement.

Le fait qu’il n’y ait pas de relation prédominante entre la participation des acteurs dans la démarche de certification et leur sentiment d’autonomie se confirme d’ailleurs au travers des résultats de deux enquêtes indépendantes mais similaires :

Une enquête menée par le CEREQ201 en 1994-1995 auprès de 186 employés de six entités certifiées ISO 9000 a mis en évidence que les acteurs pouvaient parfaitement se satisfaire d’une démarche de certification peu participative, tout en percevant les procédures comme étant source d’autonomie. L’exemple le plus souvent mentionné est celui de l’opérateur qui peut « se débrouiller seul là où précédemment il devait recourir à l’encadrement pour corriger un dysfonctionnement ou une dérive du processus » (CAMPINOS-DUBERNET et MARQUETTE, 1997 : p.19).

Une enquête menée en 1999 par le LERASS202 auprès de 146 employés de sept entreprises de la région Midi-Pyrénées, et à laquelle a participé l’entreprise partenaire de notre recherche, a montré que, bien que les salariés de cette dernière aient été moins impliqués dans la démarche de certification que les autres, ils considèrent encore plus que leurs collègues des autres entreprises que la certification est davantage source d’autonomie que de contraintes dans le travail203.

200 La méthode normative correspond à une approche analytique de la norme, paragraphe par paragraphe, qui mésestime en réalité la nature fondamentale de l’assurance de la qualité, alors que la méthode fonctionnelle correspond en grande partie à l’approche processus préconisée dans l’édition 2000 des normes ISO 9000.

201 CEREQ : Centre d’Etudes et de Recherches sur les Qualifications.

202 LERASS : Laboratoire d’Etudes et de Recherches en Sciences Sociales (Université Toulouse III).

203 Cf. Partie 2, Chapitre I, Section 3, § 2 « Entretiens directifs avec un échantillon des salariés ».

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Dilemme 3 : le dilemme procédures standardisées / appropriation par les acteurs

Si le sentiment d’autonomie qu’ont les acteurs est fondamental pour que les procédures soient parfaitement acceptées et respectées, il ne nous semble pas être une condition suffisante à leur appropriation : “accepter” et “respecter” ne signifie pas obligatoirement “s’approprier”. Or, « l’efficacité de la règle formelle tient au fait que ceux qui doivent la mettre en œuvre se l’approprient, l’adaptent ou la redéfinissent et non pas à son énoncé qui comporte des blancs ou des “trous” » (DE TERSSAC, 1996 : p.198).

L’appropriation par les acteurs du système documentaire d’assurance de la qualité, et donc son efficacité, sembleraient donc d’avantage dépendre de son processus d’élaboration que des ses caractéristiques a posteriori. On peut en effet comprendre que l’appropriation ne peut s’obtenir que si la conception (et la mise à jour) des procédures est basée sur une véritable interaction entre les acteurs concernés et les “experts” du référentiel (internes et/ou externes à l’organisation), et non si elle s’appuie seulement sur un simple “échange de bons procédés”.

Dans le cadre du processus d’élaboration des procédures, la notion d’interaction prend toute son importance, dans la mesure où on la définit comme « l’influence réciproque que les partenaires exercent sur leurs actions respectives lorsqu’ils sont en présence physique immédiate » (GOFFMAN, 1974 : p.7). L’interaction permet l’engagement socio-cognitif des acteurs, condition sine qua non d’une réelle appropriation des procédures et de leur travail dans sa globalité. On peut prendre à titre d’exemple une situation concrète souvent observée au cours des démarches de certification : faire relire à un opérateur une procédure rédigée par le responsable qualité a, en terme d’engagement socio-cognitif, un impact plus faible qu’une élaboration du document co-produite en groupe de travail. En analysant la mise en mot des activités quotidiennes d’une entreprise engagée dans une démarche de certification, sans réelle pression externe et sans motivation économique ou organisationnelle particulière204, COCHOY et alii (1998 : p.696) montrent que le véritable enjeu de la démarche réside en fait dans « le pacte normatif qui s’instaure entre la norme, la direction et les salariés au moment de la mise en œuvre du dispositif ». Cependant, la méthode d’élaboration du système documentaire (plus ou moins participative et interactive) ne semble pas être le seul facteur d’appropriation de la démarche : au moyen d’une étude longitudinale du mécanisme d’appropriation d’une certification ISO 9002, ARLIAUD et alii (1998) montrent que

204 La mise entre parenthèses de la double contrainte du marché et du management a permis aux auteurs de l’article de constater que la dynamique de la démarche de certification reposait quasi exclusivement sur le processus d’écriture qu’impose le référentiel normatif (COCHOY et alii, 1998 : p.674).

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l’appropriation est variable selon les individus. Elle se construirait non seulement au travers de leur propre association au projet, mais aussi au travers de la représentation qu’ils s’en font ainsi qu’en fonction du jugement qu’ils portent sur les changements induits par la démarche (p.100)205.

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