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LE PARADIGME HUMANISTE RADICAL DU TQM

No documento CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE (páginas 119-122)

LE TOTAL QUALITY MANAGEMENT (TQM)

3. LE PARADIGME HUMANISTE RADICAL DU TQM

Le paradigme humaniste radical du TQM s’inscrit en rupture avec le paradigme fonctionnaliste : « plusieurs auteurs affirment, en effet, que le TQM, en reconnaissant une place primordiale à l’homme dans la production et dans l’entreprise, conduit à bouleverser la distribution de l’information, du pouvoir, des récompenses et devient dès lors incompatible avec la théorie dominante du management; le TQM contient, selon eux, la recommandation d’un changement radical » (BEAUMONT, 1996 : p.89-90). Cette recommandation d’un changement radical est principalement inspirée des travaux établissant que la thèse dominante fonctionnaliste du management ne permet plus de traiter les nouvelles exigences qualité requises par l’environnement économique (AKTOUF, 1992a ; GRANT et alii, 1994) et est par ailleurs étayée à travers les analyses aussi bien théoriques que pratiques des échecs de démarches de qualité totale (GILBERT, 1992 ; JURAN, 1993 ; KRISHNAN et alii, 1993 ; NIVEN, 1993 ; REGER et alii, 1994 ; STEININGER, 1994).

Dans la perspective de ce paradigme humaniste radical, deux apports méritent d’être signalés dans la mesure où ils donnent, selon nous, une bonne représentation de l’étendue des réflexions sur le sujet. Nous en présentons ci-après les grandes lignes, du “moins radical” au

“plus radical”.

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Partie 1 Chapitre II Section 2 : Le Total Quality Management (TQM)

• Dans un article paru en 1994 dans la Sloan Management Review181, Grant, Shani et Krishnan constatent que même si le TQM a connu des succès indéniables dans des entreprises telles que Xerox, Allen-Bradley, Motorola, Mariott, Harley-Davidson, Ford, ou Hewlett- Packard, le plus souvent, les entreprises qui ont tenté de mettre en œuvre le TQM n’en ont pas tiré des bénéfices aussi substantiels. Elles ont peut-être réalisé des améliorations tangibles dans la qualité des produits et des services, mais les programmes ont fini par tomber à l’eau.

Dans la plupart de ces sociétés, des discordes sont apparues au sujet des objectifs et des procédures de mise en œuvre, les cadres supérieurs se sont tournés vers d’autres priorités, et les employés sont devenus de plus en plus sceptiques quant à l’adhésion de l’entreprise à la qualité totale. Dans d’autres cas, ces programmes se sont heurtés de plein fouet à d’autres initiatives stratégiques. Les auteurs donnent ainsi les exemples argumentés des sociétés Kodak, Alcoa et McDonnell Douglas.

Pour GRANT et alii (1994 : p.49), ces diverses expériences montrent que le TQM entre inévitablement en conflit avec les pratiques managériales établies, et que sa mise en oeuvre ne peut donc réussir au sein de l’entreprise que si ces pratiques ont été transformées. En fait, les auteurs considèrent le TQM comme un nouveau paradigme de gestion, viscéralement incompatible avec le paradigme “classique” de gestion, présenté comme se référant à un modèle économique de l’entreprise basé sur les principes de la maximisation de la valeur en bourse. Par exemple, les conflits observés entre les démarches TQM et certaines politiques de restructuration stratégique reflèteraient davantage qu’un simple divorce entre des pratiques managériales : selon les auteurs, « ils renvoient aussi à une incompatibilité profonde entre les principes théoriques implicites à ces pratiques » (p.53)182. Rien que dans le cadre d’une gestion “stabilisée” de la firme, tenter d’encourager l’amélioration de la qualité auprès des acteurs des opérations de production, tout en maintenant la planification stratégique du haut vers le bas, les systèmes de contrôle financier et la gestion traditionnelle des actifs, engendre inévitablement, selon les auteurs, contradictions et conflits. Les entreprises seraient donc amenées à devoir choisir entre les deux paradigmes, si ce n’est explicitement, tout du moins implicitement. En fait, à des fins démonstratives, une grande partie de l’article de Grant, Shani et Krishnan est consacrée à une comparaison entre les deux paradigmes. Ce comparatif

181 La Sloan Management Review est la revue trimestrielle du Massachussetts Institute of Technology. L’article a été publié en français la même année dans L’Expansion Management Review sous le titre « Le TQM, une vraie rupture managériale ».

182 Cas des directions de McDonnell Douglas et Kodak, qui après plusieurs années de TQM, éprouvent des difficultés à effectuer des réductions d’effectifs rapides ou des désinvestissements d’actifs peu performants.

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nous semble particulièrement intéressant car il s’étend, au travers de sept points de distinction, sur un large spectre du fonctionnement organisationnel. Une synthèse en est présentée en Annexe 12.

Finalement, les auteurs concluent que si les expériences de TQM ont eu des effets aussi variables au sein des firmes, c’est que la plupart d’entre elles n’ont peut-être pas réalisé que « le TQM constituait une véritable révolution conceptuelle qui exigeait des changements radicaux au sein de toute l’entreprise » (p.59). Le caractère “populaire” du TQM aurait quelque peu empêché les directions de comprendre réellement son idéologie et ses conséquences. En guise de recommandations managériales, ils proposent ainsi, pour un succès de la démarche, de reconnaître son caractère révolutionnaire : le long chemin qui mène les entreprises vers le TQM traverse un paysage nouveau où l’autorité, les décisions, l’information et l’innovation sont beaucoup plus largement partagés.

AKTOUF (1992a) est très probablement l’un des premiers auteurs à avoir posé la remarque (dans le cadre d’un article publié dans une revue aussi reconnue que l’Academy of Management Review), que la théorie dominante fonctionnaliste du management ne permet plus de traiter les nouvelles exigences qualité requises par l’environnement économique.

Selon l’auteur, « un rapide coup d’œil aux écrits managériaux les plus influents depuis la fin des années 70 montre clairement que la théorie tourne en rond à l’intérieur du cadre traditionnel du fonctionnalisme utilitaire et de la pensée économique néoclassique » (p.408).

Sont ainsi remis en cause en cause « les théories et pratiques qui “autorisent” l’employé à symboliquement s’approprier l’entreprise sans ne rien obtenir d’un point de vue matériel, c’est-à-dire sans partage des profits, du pouvoir, de la propriété ou des décisions » (p.412).

Selon l’auteur, « seules les entreprises “d’avant garde” pourront construire ce type d’environnement, dans la mesure où cela ne peut résulter que des efforts combinés d’individus poussés par le désir de coopération, elle-même se traduisant par une liberté de parole, une plus grande autonomie, une équité et une convivialité entre les membres. De telles firmes auront besoin de la synergie de tous les esprits les composant...afin d’améliorer leur capacité à inventer des solutions originales, l’unique réponse à cette complexité qui est reconnue comme l’un des principaux challenges des managers d’aujourd’hui » (p.418).

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Partie 1 Chapitre II Section 2 : Le Total Quality Management (TQM)

Cependant, si les références à une approche plus humaniste et/ou radicale de la gestion des organisations est très certainement le signe du souhait légitime d’une amélioration des conditions socio-organisationnelles à laquelle se doit de participer le chercheur en sciences de gestion183, d’un point de vue opérationnel, l’organisation est surtout confrontée à des dilemmes managériaux auxquels elle doit apporter des solutions. A ce titre, HACKMAN et WAGEMAN (1995 : pp.336-337) identifient quatre dilemmes fondamentaux auxquels les firmes se heurtent lorsqu’elles souhaitent mettre en œuvre les principes et pratiques du TQM.

Ces dilemmes, présentés explicitement dans la section 3 « Problématique »184, fournissent selon nous une piste de recherche intéressante, non seulement parce qu’ils s’insèrent parfaitement à la frontière des deux paradigmes du TQM présentés précédemment, mais aussi parce qu’ils suggèrent des éléments de réponse opérationnels. Puisque, comme le soulignent Hackman et Wageman, la gestion de certaines firmes se réclame à tort du management par la qualité totale, le positionnement d’une organisation par rapport à ces dilemmes managériaux très concrets peut constituer une évaluation pertinente. Or, les organisations évoluant de nos jours au sein d’un véritable “marché des référentiels qualité”, une clarification doit tout d’abord être faite quant à la nature de ces différents référentiels. Ceci est donc l’objet du paragraphe suivant.

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