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STRATEGIE D’ACCES AU REEL

No documento CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE (páginas 167-172)

Si le choix d’une stratégie d’accès au réel adaptée aux objectifs de la recherche est intimement lié au choix de l’étude d’un cas unique comme méthodologie empirique (dont les justifications ont été exposés précédemment), ce choix nécessite cependant de se poser à nouveau la question du prisme au travers duquel le chercheur va analyser son champ d’observation. Dans le cadre d’une CIFRE, où le doctorant est à la fois un chercheur rattaché

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à un laboratoire et un membre à part entière de l’entreprise, se posent tout particulièrement la question de son positionnement épistémologique face à la réalité organisationnelle, ainsi que celle de sa position en tant qu’observateur extérieur ou “observateur participant” au sein de l’organisation. Des réponses à ces questions découleront des considérations purement méthodologiques : les différentes sources de données envisagées ainsi que les techniques de collecte correspondantes.

Dans un premier temps, afin de déterminer la stratégie d’accès au réel, nous nous sommes aidés de la présentation faite par IGALENS et LOIGNON (1997 : pp.19-55) relative aux différents cadres d’analyse de l’organisation dont dispose l’observateur social ou le chercheur en sciences de gestion. Il s’agissait principalement de “faire un tour” des différents cadres d’analyse envisageables afin de ne pas refuser a priori la possibilité de faire appel à une pluralité de visions de l’organisation, et donc par conséquent ne pas refuser de voir des pans entiers de la réalité organisationnelle. La présentation des deux auteurs nous a semblé particulièrement adaptée à notre recherche dans la mesure où ils reprennent la classification paradigmatique des théories des organisations de BURRELL et MORGAN (1988) qui constitue le cadre d’analyse conceptuel permettant l’identification des deux paradigmes distincts du TQM décrits à la section 2 du chapitre II. Les auteurs présentent ainsi quatre approches possibles de la réalité organisationnelle :

• L’approche objective de la stabilité : elle prend sa source dans les travaux de l’école des relations humaines, de l’école socio-technique, des écoles de la contingence et même dans ceux d’Herbert Simon relatifs à la rationalité limitée. L’observation sociale qui se fonde sur cette approche doit alors intégrer six dimensions :

L’environnement de l’organisation, commercial (clients et fournisseurs), scientifique, technologique et institutionnel et dont les caractéristiques de turbulence, d’instabilité et d’imprévisibilité doivent être tout particulièrement examinées.

Les choix organisationnels et principalement leur adaptation aux différents facteurs de contingence ainsi que la congruence ou la non congruence entre les différents sous-système organisationnels.

Les modes de fonctionnement qui, paradoxalement, seront beaucoup étudiés au travers des différentes traces de dysfonctionnements organisationnels (par exemples, retards d’approvisionnements, non-qualités fournisseurs, réclamations ou avoirs clients, compte-rendus d’audits internes).

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Les conditions de travail qui doivent être observées non seulement stricto sensu (approche classique de type ergonomique : charge physique, mentale) mais aussi en relation avec les choix technologiques et organisationnels (par exemple l’introduction de systèmes automatisés).

Les politiques de gestion des ressources humaines et tout particulièrement leur caractère prévisionnel, c’est-à-dire leur capacité à fournir quantitativement, qualitativement et en temps voulu les personnels dont l’organisation a besoin dans le cadre de la mise en œuvre de sa stratégie, de ces choix organisationnels et de ses modes de fonctionnement.

Les modes de décision qui, même si l’on tient compte du principe de rationalité limitée, peuvent être appréhendés comme une séquence rationnelle permettant d’aboutir à des décisions allant dans le sens de l’organisation. Leurs effets peuvent être évalués au travers d’indicateurs mesurant l’atteinte des objectifs fixés dans le cadre des prises de décisions.

L’approche objective de la stabilité est donc une approche multidimensionnelle qui fixe à l’observation sociale de nombreux champs d’application. Elle n’épuise cependant pas la réalité organisationnelle.

• Dans l’approche subjective de la stabilité, les organisations sont essentiellement définies par des valeurs partagées et une culture commune plus que par des objectifs ou une politique. Dès lors, le problème posé est celui de la convergence et de la cohérence de toutes les réalités individuelles présentes dans l’organisation pour que celle-ci existe et se maintienne. Igalens et Loignon identifient alors trois approches qui peuvent être mobilisées :

La sociologie actionniste pour laquelle l’action émerge des significations individuelles, elles-mêmes modifiables au travers des interactions entre acteurs. En termes méthodologiques, il s’agit de s’efforcer de construire des groupes typiques partageant les mêmes croyances et ayant les mêmes motivations à agir, et ce en privilégiant les techniques d’entretien et la mesure des attitudes individuelles.

L’approche culturelle au travers de laquelle l’observateur social se fait ethnologue en étudiant l’histoire de l’organisation, ses rites, tabous, mythes et héros.

Il s’agit alors de repérer les convergences entre pratiques qui véhiculent les mêmes valeurs ainsi que de comprendre en quoi ces valeurs influencent les comportements.

L’approche constructiviste : elle s’intéresse davantage aux processus de construction des réalités individuelles qu’à leur dimension collective ou à leur

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résultat au sein de l’organisation. Du point de vue de l’observation, il ne suffit pas de demander leurs points de vue aux acteurs, mais il faut par ailleurs confronter en permanence ces points de vue aux connaissances, règles, conventions et processus d’apprentissage en vigueur au sein de l’organisation.

Ainsi, ce qui caractérise l’observation sociale dans l’approche subjective de la stabilité, c’est l’ambition de mettre au jour les nombreux processus d’interstructuration permanente (entre univers symbolique, univers des activités et univers des résultats) qui assurent à l’organisation sa stabilité. Ces processus complexes maintiennent un équilibre qui est celui du sens de l’action individuelle et collective ; et c’est cet équilibre qui disparaît dans les deux approches suivantes.

• Dans l’approche objective du changement, l’observateur social cherche à caractériser les détenteurs de pouvoir (internes et externes à l’organisation), les sources de pouvoir ainsi que les enjeux de la lutte permanente pour le pouvoir à partir desquels les logiques du changement peuvent être comprises. Il s’agit principalement de :

Focaliser son attention sur les structures qui pèsent sur les acteurs et parfois modèlent leurs attitudes ou leurs comportements sans qu’ils en soient forcément conscients.

Prendre en compte les contradictions entre groupes ou individus ayant des intérêts différents afin de pouvoir expliquer les dysfonctionnements et comportements contre-productifs par exemple.

Déchiffrer l’ensemble des facteurs potentiels de crise et s’attacher à caractériser et comprendre les phénomènes de crise lorsqu’ils ont lieu (contestations de décisions, mouvements de grève…).

• L’approche subjective du changement : elle a un intérêt particulier pour l’étude des entreprises dont la technologie, les marchés ou les modes d’organisation vont connaître des bouleversements qui obligent à apprendre. Elle repose sur une analyse des conditions qui doivent être réunies pour que le véritable changement ait lieu, et non le simple ajustement comme dans le cas de l’approche subjective de la stabilité. Sous-tendue par la théorie de l’apprentissage, cette approche invite à un élargissement du champ d’observation en s’efforçant non seulement de rassembler des informations sur les systèmes d’action, c’est-à- dire essentiellement les systèmes d’objectifs, les résultats et les procédures (apprentissage en boucle simple), mais également en ayant une démarche exploratrice des sentiments, émotions et stratégies individuelles qui accompagnent l’action (apprentissage en double boucle).

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D’un point de vue purement pratique, déterminer la stratégie d’accès au réel pour l’étude d’un cas d’entreprise nécessite de définir un protocole de recherche précis identifiant230 :

• Les sources d’information :

ƒ Elles peuvent être organisationnelles : les informations proviennent d’entités organisationnelles (par exemples, des départements identifiés de l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient).

ƒ Elles peuvent être individuelles : les informations proviennent alors directement des membres de l’organisation (dirigeants, cadres, techniciens, etc.).

• Les unités d’analyse :

ƒ Elles peuvent être organisationnelles : les informations concernent des entités organisationnelles à part entière (par exemple, l’entreprise elle même ou des départements spécifiques). Les données collectées sont alors plus particulièrement relatives à des politiques, des processus ou des résultats.

ƒ Elles peuvent être individuelles : les informations concernent directement des membres identifiés de l’organisation. Les données collectées peuvent ainsi correspondre à des opinions, des comportements ou des données individuelles.

Notons qu’un des intérêts majeurs d’une identification distincte des sources d’information et des unités d’analyse réside dans la possibilité de les croiser, ce qui permet une triangulation des données (YIN, 1994 : p.72).

• La nature des sources d’informations : observations, documents, discours.

• La nature des informations : histoire, politiques, contextes, structures, résultats économiques, opérationnels, audits, représentations individuelles, etc.

• Les techniques de collecte des données : analyses documentaires, observations directes simples ou participantes, questionnaires, entretiens de recherche (non directifs, semi- directifs, directifs).

• Les méthodes envisagées pour valider les données (triangulation, renvoi pour corroboration aux acteurs231).

230 Méthodologie emprunté à YIN (1994) et décrite par IGALENS et ROUSSEL (1998 : pp.87-92). Yin propose trois phases : la préparation de la production de données, la production des éléments déterminants et l’analyse.

231 A l’issue d’observations ou d’entretiens, « le renvoi pour corroboration aux acteurs concernés des hypothèses émises par le chercheur se révèle un moyen de contrôler la fiabilité des résultats et augmente aussi leur crédibilité (validité de signifiance) » (IGALENS et ROUSSEL, 1998 : p.86).

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• Les méthodes pour les analyser (analyse des correspondances propositionnelles, analyse des explications concurrentes232 ; pour les entretiens : analyse thématique ou lexicographique ; etc.).

La détermination concrète de ces différents éléments constitutifs du protocole de l’étude de cas doit non seulement tenir compte des hypothèses de la recherche (et donc du cadre conceptuel sous-jacent) et des pluralités de visions de l’organisation auxquelles le chercheur souhaite faire appel (dont nous avons présenté précédemment les possibilités disponibles), mais bien évidemment aussi des opportunités opérationnelles offertes par l’entreprise faisant l’objet de l’étude. Le paragraphe suivant présente donc les circonstances et conditions d’accès au terrain à partir desquelles il a finalement été possible de définir précisément un protocole de recherche adapté.

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