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Rechercher un consensus en intégrant dans la démarche d'aide à la décision un outil de type 'Group Decision Support System'

PARTIE II Mises en : Mises en perspective et étude de

2.3. Rechercher un consensus en intégrant dans la démarche d'aide à la décision un outil de type 'Group Decision Support System'

2.3.1. Introduction

L'objectif de ce point est de montrer qu'une utilisation combinée d'outils et de concepts d'aide à la décision d'une part et de systèmes de type 'Group Decision Support System' (GDSS) d’autre part est de nature à contribuer à des démarches d'intégration fondées sur la construction de représentations communes de la réalité. Dans un premier temps, nous consacrerons une partie de ce point à définir ce que regroupe l'appellation 'GDSS'. Puis dans un second temps, nous montrerons en nous appuyant sur un exemple de GDSS intégré dans une démarche d'aide à la décision en groupe comment il est possible d'aider un groupe à rechercher des positions consensuelles, des représentations communes de la réalité.

2.3.2. Caractérisation d'un 'Group Decision Support System'

Un 'GDSS' est un système composé d'un "animateur ou facilitateur, d'une méthodologie et de un ou plusieurs ordinateurs équipés de logiciels ad hoc" (cf. Marchant [2000]). Un GDSS est exclusivement dédié à la facilitation de la décision en groupe. Les développements récents des nouvelles technologies de l'information et de la communication ont sensiblement contribué à étendre les recherches sur ce type d'outils et à diffuser leur utilisation dans un certain nombre de contextes. En effet, les progrès réalisés en matière de stockage, mais surtout de partage et de circulation de l'information stimule la créativité des chercheurs et des praticiens du domaine.

Ainsi, les GDSS constituent un ensemble d'outils très hétérogènes et qui conviennent à des contextes souvent très différents. Dennis et al. [1988] a construit une typologie des GDSS qui permet de faire apparaître la diversité des situations de décision de groupe dans lesquelles il est possible d'utiliser un GDSS (cf. figure suivante).

Figure 16: Typologie des situations de décision de groupe de Dennis et al. [1988]

Deux dimensions permettent selon les auteurs de discriminer ces situations: la dispersion temporelle et la dispersion géographique des acteurs impliqués dans la décision de groupe. La dispersion temporelle qualifie l'éloignement dans le temps de la participation des différents acteurs du groupe à la décision. La dispersion géographique caractérise l'éloignement géographique des acteurs dans le cadre d'une décision qui pourtant les réunit. La case 'Decision room' correspond à une situation où tous les acteurs sont réunis physiquement en même temps et dans un même lieu. La case 'Distributed group decision' concerne des situations de décision où les acteurs participent au même moment au processus mais en des lieux différents. Cela est possible via une connexion des différents acteurs à un réseau (téléphonique ou informatique).

Enfin, la case 'Asynchronous group decision' correspond à des situations où les acteurs ne se trouvent pas réunis en un même lieu à un même moment. Dans ce cas, les échanges sont néanmoins possibles grâce au stockage des informations recueillies auprès de chacun des acteurs.

La possibilité de trouver pour chacune de ces situations un GDSS adéquat constitue pour ces systèmes un point fort et explique selon nous le foisonnement de travaux sur les GDSS35. Un autre point fort de ces systèmes est la possibilité de remplir plusieurs rôles distincts. De Sanctis et Gallupe [1987], puis Matsatsinis et Samaras [2001] ont ainsi classé les GDSS selon trois niveaux de fonctions:

35 Une revue brève des sommaires de revues scientifiques importantes de recherche opérationnelle et d'informatique nous en convainc.

Decision room

Asynchronous group decision

Distributed group decision

Dispersion géographique Dispersion

temporelle

- Les systèmes de niveau 1 ont pour fonction de faciliter la communication entre acteurs en en brisant les entraves possibles: par exemple en s'appuyant sur des procédures de votes en réseau;

- Les systèmes de niveau 2 s'appuient sur une modélisation de la décision en groupe et sur des techniques visant à y réduire l'incertitude;

- Enfin, les systèmes de niveau 3 consistent en des systèmes basés sur le recueil de l'avis d'experts durant le processus.

Les GDSS s'appuient ainsi sur une technologie de réseau et de stockage de l'information mais également sur un matériel théorique et conceptuel important et très diversifié. Nous allons présenter un exemple de GDSS qui nous intéresse du point de vue du matériel qu'il mobilise.

Celui-ci s'appuie en effet d'une part sur des méthodologies et des concepts développés dans le cadre de travaux en aide à la décision, travaux qui nous intéressent au premier chef, et d'autre part sur les théories du choix social, corpus qui concerne les démarches d'intégration fondées sur la construction de représentations communes de la réalité.

2.3.3. Un exemple de GDSS à base d’outils d’aide à la décision et de concepts de théorie du choix social

Le GDSS que nous présentons à fin d'illustrer ici notre propos, mobilise des procédures d'agrégation multicritères s'appuyant sur des relations de surclassement ainsi que des éléments importants de théorie du choix social.

La référence aux théories du choix social, dans le cadre de notre problématique est intéressante.

La production d'une solution collective représentative de préférences individuelles renvoie indirectement à la question de la coïncidence des choix individuels avec un choix collectif. Depuis longtemps, philosophes, économistes, mathématiciens et plus récemment chercheurs en sciences de gestion se sont intéressés au sujet. Ils l'ont abordé du point de vue de la compatibilité de la poursuite des intérêts individuels avec celle de l'intérêt général. Ainsi, en 1705, dans une célèbre fable (Mandeville [1723]36), Bernard de Mandeville imageait ces préoccupations et concluait que la poursuite des intérêts individuels conduisait à l'harmonie générale à condition qu'aucune intervention externe ne vienne troubler ce processus. L'idée jetait les bases des travaux futurs de moralistes et d’économistes dont Adam Smith en 1776 qui la "matérialise" sous forme d'une main invisible qui justifiait la non intervention de l'état dans les affaires économiques. C'était là le début d'une longue tradition libérale.

Les théories du choix social constituent un corpus théorique hérité de la pensée libérale du 18ème siècle. Elles ont servi de fondements et ont alimenté de nombreuses réflexions dans différentes disciplines : les sciences économiques (nous venons de l’évoquer), la théorie des jeux, les mathématiques, les sciences de gestion, etc... L’essentiel des apports des théories du choix social se situent dans l’étude du passage des préférences individuelles aux choix collectifs (cf. Boursin [1995], Quilès [2003]). A ce titre, il s’agit d’analyses qui intéressent nécessairement notre problématique. Néanmoins, nous ne les aborderons qu’à travers l’utilisation qui en est faite dans un GDSS.

La règle de Borda

Une procédure de vote pour passer des préférences individuelles au choix collectif Un grand nombre de travaux en théorie du choix social concerne l’étude de procédures de vote permettant de transformer un ensemble de préférences individuelles en un choix collectif aux propriétés satisfaisantes. La transitivité est un type de propriété satisfaisante.

Supposons une élection à la britannique (l’exemple est repris de Quilès [2003]) où 3 électeurs ont le choix entre travaillistes, conservateurs et libéraux. Chacun des individus se prononce sous forme d’un classement par ordre de préférence des partis politiques.

L’individu A préfère les travaillistes sur les libéraux eux mêmes préférés aux conservateurs.

L’individu B préfère les libéraux sur les conservateurs eux mêmes préférés aux travaillistes.

L’individu C préfère les conservateurs sur les travaillistes eux mêmes préférés aux libéraux.

Si désormais, l’on utilise une procédure de vote majoritaire, alors une comparaison paire par paire de chacun des partis politiques conduit à conclure :

Que les travaillistes l’emportent sur les libéraux par deux voies contre une (A et C contre B) (conclusion 1)

Que les conservateurs l’emportent sur les travaillistes par deux voies contre une (B et C contre A) (conclusion 2)

Que les libéraux l’emportent sur les conservateurs par deux voies contre une (A et B contre C) (conclusion 3)

Une incohérence survient ici. Les conclusions 1 et 2 indiquent que les conservateurs devraient l’emporter sur les libéraux, ce qui est contraire à la conclusion 3. La procédure de vote utilisée ici apparaît ainsi intransitive (ce paradoxe est connu sous le nom de paradoxe de Condorcet).

La transitivité est néanmoins une propriété dont on souhaite pouvoir doter une procédure de passage des préférences individuelles au choix collectif. Il y a d’autres procédures qui du point de vue de la transitivité sont plus intéressantes.

La procédure de Borda consiste à déduire le choix collectif d’une somme de rangs. Reprenons l’exemple ci dessus en considérant qu’une population est constituée de 36 électeurs de type A, 20 de type B et 10 de type C. Supposons que les trois catégories d’électeurs donne une note de 2 au parti qu’il préfère puis 1 au parti situé en milieu de classement puis 0 au parti le moins préféré. Les notes obtenues seraient dans l’exemple :

Travaillistes Conservateurs Libéraux A 72 0 10 B 0 1 2 C 36 40 0

Si nous faisons ensuite la somme des rangs pour chacun des partis politique alors les travaillistes l’emportent devant les conservateurs et les libéraux. La procédure de Borda respecte la transitivité des choix ; une comparaison paire par paire le montrerait aisément.

Précisons que la règle de Borda présente malgré tout de nombreuses faiblesses. En premier lieu, elle considère de facto comme signifiants les écarts entre les rangs d’un individu à l’autre. En effet, le rangement de candidats à partir de la somme des rangs suppose qu’un rang faible attribué par un

votant à un candidat puisse être compensé par un rang élevé d’un autre votant pour ce même candidat. Une différence de 1 rang pour un votant a par construction la même signification qu’une différence de 1 rang pour un autre votant. En second lieu, la règle considère comme signifiants écarts de rang pour un même votant. En effet, l’écart entre le rang 1 et le rang 2 est supposé avoir la même signification que l’écart entre le rang 7 et le rang 8, ce qui est une hypothèse forte. En troisième lieu, l’axiome d’indépendance par rapport au tiers exclu n’est pas respecté, ce qui signifie que le rangement par la règle de Borda d’un ensemble de candidats peut être modifié par l’introduction d’un autre candidat. Enfin, le rangement calculé à partir de la somme des rangs dépend beaucoup de la façon d’attribuer un rang aux ex æquo. Si deux candidats arrivent ex æquo en second position, faut il donner au candidat suivant le rang 3 ou le rang 4 ? Selon la règle retenue, le rangement par la somme des rangs peut fortement varier.

Encadré 10 : Théorie du choix social et règle de Borda

Nous remarquons que de nombreux GDSS s'appuient sur des concepts introduits par différents auteurs de théorie du choix social (cf. sur le sujet Hwang et Lin [1986]). Celui que nous présentons utilise des procédures de choix social qui permettent de comparer et d'agréger plusieurs préordres individuels, dont la règle de Borda que nous explicitons en encadré à l’aide d’un exemple. L'idée fondamentale dans la construction de ce GDSS est de parvenir à produire une information aussi riche que possible sur la comparaison des préordres individuels pour aider le processus de délibération collective.

ARGOS (l'acronyme du GDSS que nous présentons signifie Aide au Rangement réalisé par un Groupe de décideurs d'Objets à Surclasser) est décrit dans Colson [2000]. Ce logiciel est en fait constitué de plusieurs composants comme indiqué dans le tableau suivant.

Composants Sous composants Objectifs

ARGOS I ELECTRE I Sélection de la meilleure

alternative pour chaque acteur

ELECTRE II

PROMETHEE I, II et III Rangement de l'ensemble des alternatives pour chaque acteur

Fonctions de choix social Comparaison de rangements d'actions JUDGES Classification hiérarchique Formation de coalitions

d'acteurs Tableau 18 : Structure du GDSS ARGOS

ARGOS I est un premier composant lui même constitué de plusieurs sous composants. Parmi ces sous composants, certains sont dédiés à une aide à la décision individuelle. Selon la problématique choisie (cf. chapitre 2), les acteurs peuvent utiliser différentes procédures d'agrégation multicritères. Si la problématique d'aide à la décision consiste à choisir parmi un

rangement (construction de préordres). La possibilité dans le cadre d'une telle problématique de recourir à plusieurs outils permet aux acteurs de tester la "robustesse" des résultats par rapport à la méthode choisie. D'autres sous composants d'ARGOS I, sont dédiés à la facilitation de la décision de groupe. Il s'agit de fonctions de choix social (les règles de Borda et de Condorcet, entre autres, cf. encadré plus haut) qui permettent dans un contexte cette fois-ci multi-acteurss de faire une comparaison des préordres individuels construits par chacun des acteurs grâce aux méthodes ELECTRE ou PROMETHEE mises en œuvre précédemment.

JUDGES est le second composant du GDSS ARGOS. Il contient entre autres un outil de classification hiérarchique permettant d'identifier des coalitions d'acteurs, c'est-à-dire des regroupements d'acteurs selon les préférences qu'ils expriment au travers des préordres construits précédemment.

Le GDSS ARGOS a été utilisé par l'auteur dans le contexte d'un jury composé de plusieurs membres dont l'objectif était l'attribution d'un prix scientifique. Plusieurs articles de recherche ont été évalués sur plusieurs critères (l'applicabilité de la recherche du candidat pratique et industrielle, la cohérence, l'intérêt, le style de l'article présenté, la présentation générale et un critère d'appréciation globale). Une phase mono acteur a permis aux juges de construire des classements robustes. L'auteur le montre en illustrant son propos par le travail d'un des membres du jury. La phase multi-acteurss a conduit sur la base d'une information multiple à retenir finalement l'article qui rencontrait le moins de désaccord parmi les membres du jury.

2.3.4. Intérêts de l’outil dans une démarche d’intégration L'intérêt de ce GDSS nous semble être double.

En premier lieu, ARGOS est un outil qui explicitement prend en compte la nature double de la complexité de la situation. Dans l’exemple, nous notons que le choix du meilleur article est en soi difficile ; ce qui explique que les acteurs aient été aidés individuellement au cours de la phase mono acteur. Néanmoins, le processus de délibération est également un problème complexe en soi ; ce qui nécessite que des outils spécifiquement dédiés à la facilitation du processus collectif soient mis en œuvre.

En second lieu, ARGOS permet de tester structurellement la robustesse des résultats aussi bien au niveau mono acteur que multi-acteurss. Selon, nous ceci est de nature à renforcer auprès des acteurs impliqués dans le processus de délibération la légitimité de l'instrumentation mise en œuvre et donc la légitimité des choix qui résultent finalement de la discussion. Cet exemple nous semble donc illustrer une modalité d'utilisation des GDSS dans une démarche d'aide à la décision.

Celle-ci s’appuie sur la production d’information multiple sur le niveau de consensus (comparaison de préordres, analyse hiérarchique et constitution de coalitions, etc.).

Nous pourrions envisager que l’information sur le niveau de consensus prenne la forme d’une représentation graphique adéquate.

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