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Utiliser une procédure d'agrégation multicritère aux « vertus démocratiques »

PARTIE II Mises en : Mises en perspective et étude de

Chapitre 4- Aide à la décision et démarche d’identification démarche d’identification

1.1. Utiliser une procédure d'agrégation multicritère aux « vertus démocratiques »

contribution des méthodes de surclassement de type ELECTRE

1.1.1. Introduction

Les méthodes de type ELECTRE sont des méthodes d’agrégation multicritère fondées sur l’utilisation d’un système relationnel de préférences (cf. chapitre 2). Il y a plusieurs méthodes ELECTRE et chacune diffère selon la problématique d’aide à la décision qu’elle sert à éclairer.

Dans la suite de l’exposé, nous désignerons par ‘ELECTRE’ l’ensemble de ces méthodes sans

faire de différences entre elles. Par suite, nous n’exposerons donc que les principes communs à toutes les méthodes ELECTRE. ELECTRE s’appuie sur quatre idées maîtresses :

− Elle est une méthode d’agrégation des évaluations des actions sur plusieurs critères à partir de la comparaison des actions par paire ;

− Les critères y sont considérés comme des votants à qui l’on accorde des nombres de voix sous forme de poids ;

− ELECTRE conduit à construire un système relationnel fondé sur la relation de surclassement ;

− Enfin, pour valider cette relation de surclassement, elle prend en compte la nécessaire mauvaise connaissances ou mauvaise détermination qui caractérise toute tentative d’éclairage de la complexité du réel ; cette prise en compte prend la forme de seuils de discrimination.

Nous verrons ce que signifient ces idées et nous verrons également sous quelles formes, ELECTRE les opérationnalise. Dans le cadre de notre problématique, nous étudierons ensuite la nature de la contribution d’ELECTRE à une démarche d’identification fondée sur l’explicitation des points de vue.

1.1.2. Présentation de la méthode ELECTRE

Ce sont les principes de démocratie sur lesquels s’appuie la méthode qui nous ont conduits à nous y intéresser. La façon d’agréger les évaluations d’actions sur des critères multiples dans ELECTRE I dérive en effet de principes d’expression démocratique directement hérités de la pensée de Condorcet, philosophe, mathématicien et homme politique du 18ème siècle (cf. Roy [1968] et Schärlig [1985]). Le principe de base des méthodes ELECTRE repose sur le principe suivant :

Une action a surclasse une action b lorsque a est au moins aussi bonne que b pour une majorité de critères et lorsque pour les autres critères l’action b n’est pas très nettement meilleure que l’action a.

Cela signifie que l’agrégation multicritère de type ELECTRE permet de favoriser le « vote » des critères majoritaires tout en laissant la possibilité de prendre en compte les critères qui

« s’opposent » très fortement au vote majoritaire. Notons, ici, que la signification du surclassement est différente de l’acception courante que l’on peut en avoir : ‘a surclasse b’ ne signifie nullement que a est très nettement meilleure que b.

La méthode conduit à faire la comparaison paire par paire de toutes les actions selon ce principe général fondé sur la relation de surclassement. De façon à rendre notre propos plus compréhensible, nous reprenons l’exemple développé par Schärlig [1985]. Il s’agit de l’exemple

et Soleure (S). Le choix du site doit tenir compte des 5 critères suivants : les conditions naturelles (l’environnement), les résultats fournis par un modèle d’optimisation, les conditions urbaines, la distance par rapport à l’université et enfin les conditions du marché du travail de la zone considérée. Nous supposons qu’il est possible d’exprimer l’évaluation de chacun des sites sur chacun des critères à l’aide d’une échelle ordinale de mots : très bon, bon, neutre, passable et mauvais. Par commodité de manipulation, transformons pour chacun des critères cette échelle de mots en échelles numériques42 et supposons que les évaluations soient les suivantes :

Conditions naturelles

Modèle Agglomération Université Marché du travail

Poids 1 3 1 1 4

Veto 2 - - - -

Lausanne 5 10 7 7 2

Fribourg 4 8 5 5 7

Berne 5 8 7 7 6

Soleure 7 6 5 3 7

Echelle 3-7 0-10 3-7 3-7 0-10

Tableau 23: Tableau de performance pour le choix d'un site (extrait de Schärlig [1985])

Dans ce tableau (reproduit de Schärlig [1985]), nous avons également fait figurer les poids affectés à chaque critère. Dans ELECTRE, il n’est nul besoin que la somme des poids fasse 1, comme c’est le cas dans les méthodes de type ‘moyenne pondérée’ par exemple. Ici, comme précisé plus loin, les poids représentent les pouvoirs de vote de chacun des critères. Ainsi, les poids représentent ici le rôle que joue chacun des critères dans l’agrégation multicritère. Nous avons ajouté à l’exemple original un seuils de veto sur le critère ‘Conditions naturelles’. Nous verrons ci-après à quoi ils correspondent.

La comparaison de chacune des actions entre elles conduit à observer pour chaque paire d’action une condition de concordance et une condition de non veto. Celles-ci s’explicitent de la façon suivante.

a) La condition de concordance

Pour une paire d’action (a,b), nous faisons l’hypothèse que a est au moins aussi bonne que b ; c’est-à-dire nous faisons l’hypothèse d’un surclassement de a par rapport à b. Puis nous faisons la somme des poids de tous les critères qui concordent effectivement avec cette hypothèse. Cette somme est ensuite rapportée à la somme totale de tous les poids pour obtenir l’indice de

42 Nous prenons comme dans l’exemple de l’auteur des échelles numériques différentes pour chacun des critères.

concordance. Sur notre exemple, considérons la paire (B,S). B est au moins aussi bonne que S pour les critères ‘Modèle’, ‘Agglomération’ et ‘Université’. La somme des poids de ces critères est 3+1+1=5. La somme totale de tous les poids étant 10, l’indice de concordance pour la paire (B,S) est donc 0.5, comme indiqué en gras dans le tableau récapitulant les indices de concordance de toutes les paires d’actions.

L F B S

L 1 0.6 0.6 0.5

F 0.4 1 0.7 0.9

B 0.7 0.6 1 0.5

S 0.5 0.6 0.5 1

Tableau 24: Indices de concordance

b) La condition de non veto

Lorsqu’un critère discordant avec l’assertion a est au moins aussi bonne que b a de trop forte raisons d’être « écouté » - c’est-à-dire lorsque l’évaluation de a sur ce critère est très nettement plus mauvaise que celle de b – alors on peut souhaiter que ce critère puisse « user » d’un droit de veto qui empêche que finalement la majorité concordante des critères puisse l’emporter.

L F B S

L 0 0 0 0

F 0 0 0 1

B 0 0 0 0

S 0 0 0 0

Tableau 25: Prise en compte des seuils de veto

Dans notre exemple, nous avons choisi d’attribuer au critère ‘conditions naturelles’ un seuil de veto de valeur 2. Cela signifie que ce critère pourra exercer un droit de veto si la différence d’évaluation entre deux actions est supérieure ou égale à 2. Cela signifie qu’il pourra s’opposer très fortement à la validation d’un surclassement. Par exemple, Fribourg a obtenu une note de 4 sur ce critère et Soleure a obtenu 7 ; la différence est supérieure à 2 donc le critère ‘Conditions naturelles’ exercera son veto pour l’assertion ‘Fribourg est au moins aussi bonne que Soleure’.

C’est la signification du 1 en gras qui figure dans la matrice de discordance ci-dessus.

Comme dans de nombreuses procédures de vote, un seuil de majorité est ensuite fixé. Fixons le ici à 0.7. Cette valeur signifie qu’une majorité de 70% des voix est requise pour que l’assertion a est au moins aussi bonne que b puisse être validée. Nous pouvons maintenant construire une matrice de surclassement dérivée des deux tableaux précédents. Cette matrice est construite de la

− si l’indice de concordance pour l’assertion ‘a est au moins aussi bonne que b’ est supérieur au seuil de majorité (ici 0.7) et si aucun critère n’a exprimé de veto pour cette assertion, alors a surclasse b et nous matérialisons cela par une valeur 1 ligne a colonne b.

− si l’indice de concordance pour l’assertion ‘a est au moins aussi bonne que b’ est inférieur strictement au seuil de majorité (ici 0.7) ou si un critère a exprimé un veto pour cette assertion, alors a ne surclasse pas b et nous matérialisons cela par une valeur 0 ligne a colonne b.

Sur l’exemple, cela donne la matrice suivante :

L F B S

L 1 0 0 0

F 0 1 1 0

B 1 0 1 0

S 0 0 0 1

Tableau 26: Matrice de concordance

Cette dernière matrice fait ensuite l’objet d’une représentation sous forme graphique.

Figure 21: Graphe de surclassement

Sur ce graphe43, nous avons modélisé les surclassements mis en évidence dans la matrice de surclassement ci-dessus. Nous notons qu’ainsi il n’y a entre F et S aucune relation. Il n’y a donc pas suffisamment de raisons pour justifier un surclassement de F sur S ou de S sur F ; nous en déduisons une incomparabilité entre ces deux actions.

43 Sur ce graphe nous ne représentons pas le surclassement d’une action a par rapport à elle-même. Cela a peu d’intérêts.

F B

L S

Avec un seuil de majorité fixé à 0.6, des calculs similaires auraient conduits à la matrice de surclassement et au graphe de surclassement suivants :

L F B S

L 1 1 1 0

F 0 1 1 0

B 1 1 1 0

S 0 1 0 1

Figure 22: Nouvelle matrice de concordance et nouveau graphe de surclassement

Nous constatons qu’un relâchement du seuil de majorité conduit, comme d’évidence, à mettre en évidence plus de relations de surclassement. Par ailleurs, alors que précédemment Fribourg surclassait Berne, désormais Berne surclasse aussi Fribourg de sorte qu’il est possible de dire qu’il existe des raisons qui justifient la validation de l’assertion ‘Fribourg surclasse Berne’ et des raisons qui justifient la validation de l’assertion ‘Berne surclasse Fribourg’. Nous pouvons ici identifier donc de l’indifférence entre les actions Fribourg et Berne. Un examen du tableau des évaluations sur les différents critères permet de voir qu’effectivement ces deux actions ont relativement les mêmes profils.

1.1.3. Intérêts des méthodes de type ELECTRE dans une démarche d’identification

Les méthodes de type ELECTRE dont nous avons présenté les fondements en décrivant les principes de base d’ELECTRE I reposent sur un principe démocratique d’agrégation. En effet, les différents critères peuvent tous jouer un rôle avec un pouvoir de vote soient lorsqu’ils font parti d’une « coalition » majoritaire (condition de concordance) soient lorsqu’ils « expriment » un point de vue minoritaire qui « manifeste » une opposition violente (condition de non veto).

A plusieurs reprises, nous avons utilisé en parlant des critères des termes qui semblaient les personnaliser : les critères ont voté, ils se sont exprimés, ils font partis d’une coalition, etc. Les critères formalisent un point de vue (cf. définition section 2 du chapitre 2) de sorte que parler d’expression d’un critère a un sens. Favoriser la prise en compte de tous les critères grâce à une

F B

L S

d’acteurs différents. Il s’agit donc, selon notre perspective, de l’avantage majeur des méthodes de type ELECTRE.

Par ailleurs, cette façon de faire jouer un rôle aux points de vue est peu sensible au type de formalisme utilisé dans la modélisation ELECTRE. Dans l’exemple ci-dessus les échelles des critères utilisés ont été transformées en échelles de valeurs numériques. Nous pouvons constater qu’à condition d’adapter les seuil de veto, les résultats auraient été les mêmes avec des échelles de valeurs numériques différentes. Il importe juste que la transformation de l’échelle numérique ne modifie pas l’ordre de préférence des actions sur chacun des critères. Autrement dit, les méthodes de type ELECTRE se satisfont d’une information ordinale, information souvent plus facile à recueillir qu’une information cardinale (cf. section 2 du chapitre 2). En effet, cette information ne nécessite pas de se mettre d’accord sur des évaluations numériques précises.

Enfin, il peut exister des situations dans lesquelles il y a désaccord sur les poids, parce que les systèmes de valeurs sont distincts. Dans ce cas, il est possible de réaliser des analyses de robustesse des résultats d’ELECTRE selon le jeu de poids choisi. Néanmoins, signalons ici un point faible des méthodes ELECTRE. Les logiciels sur lesquels est implantée la démarche ELECTRE sont relativement peu ergonomes et ne sont pas de nature à faciliter de telles analyses.

Un autre point faible d’ELECTRE est l’opacité de la méthode et sa complexité par rapport à des méthodes qui sont plus proches de l’intuition. Dans de nombreux contextes, les méthodes de type ‘moyenne pondérée’ sont plus facilement utilisées même si leur utilisation peut être jugée peu rigoureuse.

Dans certains contextes, l’interprétation des résultats des méthodes ELECTRE peut être complexe ; en particulier, dans des contextes multi-acteursss, contextes qui nous intéressent. Cela n’est pas de nature à faciliter l’explicitation des points de vue. L’outil que nous allons étudier maintenant a été développé dans la perspective de permettre une interprétation plus simple des résultats des méthodes de type ELECTRE.

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